Adapter les politiques prudentielles à la nouvelle normalité - Communication à l’intention de l’Institut C.D. Howe, Toronto, Ontario, le 28 septembre 2020 par webdiffusion

Je vous remercie de m’avoir invité à parler aujourd’hui de la façon dont le BSIF adapte ses politiques prudentielles à la nouvelle normalité. S’il est difficile de définir ce qu’on entend par « nouvelle normalité », il est important de s’y adapter, car il est devenu évident que nous serons confrontés aux conséquences sanitaires, économiques et financières de la pandémie pendant un certain temps.

Il y a eu tant de choses depuis mars qu’il est facile d’oublier ce que nous avons fait et pourquoi nous l’avons fait. Nous n’avons pas eu le temps de reprendre notre souffle et d’expliquer les mesures que nous avons prises pour régler les problèmes aussi rapidement qu’ils survenaient. Nous sommes cependant tout à fait conscients que nous avons le devoir de communiquer avec nos interlocuteurs et de leur expliquer notre démarche. J’espère que je parviendrai à expliquer, dans mes propos aujourd’hui, nos gestes avant la pandémie, nos interventions pendant la crise et notre approche pour l’avenir.

Comme vous tous, nous avançons avec prudence, car personne ne sait ce qui nous attend au tournant. Mais il nous faut aller de l’avant, même si nous ne disposons guère de données historiques pouvant nous être utiles en cette période si extraordinaire.

Le BSIF a pour mandat de protéger les déposants, les souscripteurs, les créanciers des institutions financières et les bénéficiaires des régimes de retraite privés, tout en permettant aux institutions de prendre des risques raisonnables et de faire face à la concurrence. Nous nous acquittons de ce mandat en exerçant deux fonctions centrales :

  • la réglementation, qui consiste à établir les attentes à l’égard des institutions financières et des régimes de retraite que nous réglementons, au moyen de politiques et de lignes directrices prudentielles;
  • la surveillance, qui consiste à évaluer les pratiques des régimes et des institutions par rapport à nos attentes et à combler les lacunes que nous décelons.

Ces deux fonctions centrales sont essentielles à la réalisation de notre mandat. C’est le dosage de l’importance que l’on accorde à chacune d’entre elles qui nous permet d’avoir une approche souple et adaptée et d’assurer une bonne gestion du risque, contribuant ainsi à inspirer confiance dans le secteur financier canadien.

À titre d’autorité de contrôle prudentiel, notre regard est toujours tourné vers l’avenir et nous cherchons constamment à faire en sorte que notre cadre prudentiel soit exhaustif, pratique et axé sur le risque. Cette volonté d’amélioration continue nous a bien servis dans le passé et nous guide encore dans les circonstances actuelles.

Nous avons constaté que les leçons tirées de la crise précédente avaient accru la résilience du système financier canadien. Le programme international de réforme de la réglementation qui a suivi la crise financière mondiale a redéfini la nature de la réglementation prudentielle au Canada, ce qui nous a tous préparés à l’incertitude à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés. Ce programme de réforme se compose de cinq aspects interreliés : premièrement, bâtir des institutions financières plus résilientes; deuxièmement, mettre fin à la notion selon laquelle des sociétés « seraient trop grandes pour faire faillite »; troisièmement, rendre les marchés des dérivés plus sûrs; quatrièmement, accroître la résilience des intermédiaires financiers hors banques; cinquièmement, faire des progrès dans d’autres domaines, comme la mise en œuvre de nouvelles normes comptables pour les pertes de crédit attendues et la focalisation sur la qualité des audits.

Ces mesures réglementaires étaient manifestement nécessaires pour renforcer la résilience du système financier mondial. Toutefois, ce qui a aidé l’économie canadienne à se redresser après la crise financière mondiale, c’est la faiblesse persistante des taux d’intérêt et, à l’époque, la dette relativement faible des ménages. En 2007, le ratio d’endettement des ménages au Canada était d’environ 130 %.

Le BSIF a dirigé l’établissement de politiques prudentielles afin de renforcer la résilience des institutions financières, tout en appuyant la mise en œuvre des autres aspects du programme de réforme de la réglementation par nos partenaires fédéraux et provinciaux. En ce qui concerne la résilience, l’augmentation de la quantité et de la qualité des fonds propres détenus par les banques a accru leur capacité d’absorber des pertes imprévues et de poursuivre leurs activités en période de crise financière. En outre, nous avons fait d’importants progrès pour faciliter la résolution ordonnée de nos plus grandes banques et réduire au minimum l’exposition des contribuables aux pertes. De plus, de nouvelles règles régissant les liquidités ont amélioré la capacité des banques de s’acquitter de leurs obligations même dans des conditions de marché difficiles, et elles ont favorisé le recours à des sources de financement plus stables.

La crise financière mondiale nous a enseignés notamment que les organismes de réglementation avaient besoin de plus de leviers politiques pour contrer les risques économiques généraux et les interdépendances à l’échelle du système financier canadien et international au moyen d’une réglementation dite macroprudentielle. De nouvelles mesures, comme la réserve de fonds propres anticyclique, ou au Canada, la réserve pour stabilité intérieure, en sont la preuve. Le BSIF a créé cette réserve pour nous permettre de réagir face à toute accumulation de risques dans le système financier. Ces réserves sont détenues par nos plus grandes banques et elles peuvent y puiser lorsque les risques se matérialisent. Fait important, elles donnent au BSIF la souplesse nécessaire pour permettre aux banques de soutenir l’économie canadienne en période de ralentissement, sans mettre en péril notre objectif primordial de maintenir la sûreté et la solidité financières.

Plus récemment, nous avons accordé une attention accrue aux menaces qui pèsent sur la résilience opérationnelle. Risque non financier s’entend du risque lié aux personnes, de celui lié à la culture organisationnelle et de celui lié aux technologies. Bien que cette orientation soit antérieure à la COVID-19, les difficultés opérationnelles posées par la pandémie renforcent la façon dont le « risque non financier » peut devenir un risque financier important lorsqu’on ne se focalise pas assez sur la gestion du risque opérationnel et la résilience opérationnelle. La gestion du risque non financier est donc un élément important du renforcement de la résilience globale face à l’incertitude.

Pour le BSIF, l’élaboration de politiques prudentielles au lendemain de la crise financière mondiale a constitué un processus délibéré, « étape par étape », qui a permis de renforcer la résilience du système et la souplesse en cas de crise. Il est essentiel de bien se préparer en période de prospérité, mais il est tout aussi important d’être prêt à agir de manière décisive en cas de crise.

Les risques ayant évolué, il fallait que notre processus d’élaboration de politique emboîte le pas. Cette évocation constante fait partie de notre approche actuelle plus adaptative vis-à-vis de l’élaboration de politiques prudentielles. Notre objectif est de rester sensibles aux situations auxquelles nous sommes confrontés et de favoriser la résilience du secteur financier conformément à notre mandat.

Nul doute que nous sommes maintenant à un stade critique de l’histoire économique moderne. Il s’agit d’un test des leçons apprises et de notre capacité d’agir sous pression.

Les conditions économiques et de marché que nous avons observées en 2020 et les décisions collectives que les autorités ont prises en réponse à cette situation façonneront la trajectoire de la croissance et de la prospérité à venir. Même si la pandémie de COVID-19 n’est pas une perturbation causée par le secteur financier, elle met certainement à l’épreuve bon nombre des mesures que nous et nos partenaires fédéraux avons mises en place pour prévenir et gérer les crises financières, au lendemain de la crise financière mondiale.

Même avant la pandémie, il y avait des risques dans le système financier qui nécessitaient notre attention. Au Canada, le ratio d’endettement des ménages s’était accru, pour s’établir à 175,6 %; le déséquilibre des actifs et l’endettement institutionnel étaient très préoccupants.

En outre, à l’échelle mondiale, les marchés boursiers ont atteint des sommets sans précédent à la suite de valorisations tendues et d’une recherche de rendement dans un contexte de faibles taux d’intérêt. Ainsi, lorsque l’ampleur de la crise est devenue évidente, les marchés ont réagi de manière prévisible et violente. Les actions ont chuté de près de 40 %, la volatilité a atteint des niveaux jamais vus depuis 2008-2009, les marchés de la dette ont gelé et, enfin, la guerre des prix du pétrole a éclaté au milieu de la tourmente des marchés, ce qui a exacerbé les effets intérieurs, y compris tous les effets négatifs sur l’activité des entreprises, la confiance des consommateurs et les emplois.

Seuls des niveaux sans précédent de relance budgétaire et de soutien gouvernemental ont endigué les contrecoups immédiats de la déclaration de pandémie dans le monde entier. Le BSIF a, quant à lui, cherché à réagir face à la crise parce que, même si les institutions financières et les régimes de retraite qu’il surveille étaient bien préparés aux tensions, des changements extraordinaires étaient manifestement nécessaires pour qu’ils puissent se rendre à bon port. La crise sanitaire immédiate a mis l’accent sur nos décisions et nos priorités : préserver la résilience financière et la résilience opérationnelle. Il fallait que notre approche habituelle vis-à-vis des politiques prudentielles soit mise de côté pour que nous puissions exercer notre mandat en ces temps difficiles.

Par conséquent, le 13 mars, le BSIF a suspendu toutes les consultations qu’il avait prévues sur les politiques et a recentré ses efforts sur une série de mesures temporaires visant à donner aux institutions financières la souplesse nécessaire pour réagir rapidement aux risques posés par la COVID-19. Ces mesures exceptionnelles se voulaient crédibles, cohérentes, nécessaires et adéquates et ne devaient pas avoir de conséquences inattendues pour l’économie dans son ensemble et les perspectives financières des institutions financières.

Dans le cadre de l’annonce, nous avons abaissé la réserve pour stabilité intérieure pour permettre une offre de prêt supplémentaire pouvant atteindre 300 milliards de dollars. Cette mesure était intentionnellement anticyclique afin d’éviter le risque de repli des banques et les effets économiques négatifs d’une contraction du crédit. De plus, cette mesure a permis d’éviter des coûts pour le contribuable, tout en préservant la possibilité de réduire de nouveau la réserve pour stabilité intérieure, au besoin.

Outre le rajustement de la réserve pour stabilité intérieure, nous avons pris d’autres décisions pour favoriser la résilience. Compte tenu de la conjoncture économique très incertaine, nous avons atténué l’impact sur les fonds propres des pertes de crédit attendues qui auraient été constatées dans le cadre des normes internationales d’information financière récemment adoptées. De plus, nous avons temporairement autorisé les banques et les assureurs à procéder à des traitements spéciaux de leurs fonds propres et capital afin qu’ils offrent des reports de paiement ou de prime pour amortir le choc.

Il s’agissait là de mesures extraordinaires en des temps extraordinaires. Leur utilité sera provisoire dans l’attente de conditions plus stables et elles permettront aux banques et aux assureurs d’avoir le temps et la souplesse nécessaires pour s’adapter au nouveau contexte d’exploitation et ainsi limiter les excès d’éventuels replis.

Nous avons également pris des mesures pour protéger les bénéficiaires des régimes de retraite privés en suspendant les options de transfert et les achats de rentes, ce qui a aidé les régimes de retraite à composer avec la volatilité des conditions du marché lorsque le transfert d’actifs aurait pu nuire à leur solvabilité au mauvais moment, ce qui aurait été préjudiciable pour les participants.

Nous estimons que les mesures que nous avons prises étaient efficaces du point de vue prudentiel. Elles ont limité l’impact immédiat de la crise sur nos institutions, accru la sécurité des prestations des régimes de retraite et réduit les obstacles aux efforts généraux de reprise économique. En outre, elles ont protégé les ménages et les entreprises pendant un ralentissement record, ce qui a contribué à la stabilité financière et a jusqu’à présent atténué les défauts de paiement des particuliers et des entreprises.

J’aimerais parler de la façon dont nous entreprendrons le chemin difficile qui s’ouvre devant nous.

L’incertitude demeure élevée et les effets sanitaires et économiques de la COVID-19 font encore partie intégrante de nos réflexions quotidiennes. Notre approche en matière de décisions stratégiques tient compte de ces conditions et nous continuons parallèlement d’étudier le scénario grave, mais plausible.

Ce que nous avons constaté depuis mars, c’est que les niveaux de fonds propres des institutions financières demeurent adéquats et stables malgré l’incertitude. Les liquidités demeurent amplement suffisantes dans le système financier et les marchés sont relativement stables par rapport à leur situation en mars. De plus, les difficultés opérationnelles qui ont nécessité un passage rapide au télétravail généralisé sont aujourd’hui mieux comprises et mieux gérées. Ces résultats étaient moins apparents au milieu de la première phase de la pandémie et c’est ce qui a motivé nos décisions rapides en mars.

À la fin du mois d’août, la première phase de la pandémie était terminée, si bien que certains des changements que nous avions apportés en mars n’étaient plus crédibles, cohérents, nécessaires ou adéquats et devaient donc être revus. Par exemple, les conditions de marché s’étaient assez stabilisées pour nous convaincre de mettre fin à la suspension des options de transfert des régimes de retraite privés. Nous avons aussi annoncé la suppression graduelle des mesures spéciales autorisant le report des remboursements de prêts et des versements de primes, car nous devions maintenir la crédibilité du cadre de fonds propres.

Les autres mesures que nous avions prises en mars disparaîtront progressivement, par exemple, les mesures transitoires visant les fonds propres des banques et liées aux pertes de crédit attendues ou le lissage des exigences en capital s’appliquant aux sociétés d’assurance vie. Par contre, d’autres mesures resteront en vigueur dans le contexte actuel et demeureront en place jusqu’à nouvel ordre, notamment le maintien de la réserve pour stabilité intérieure à 1 % et l’interdiction de la bonification de dividendes et du rachat d’actions.

Vu que les conditions continuent de se stabiliser, il est temps pour nous de porter à nouveau notre regard sur le paysage du risque en général. Nous surveillons les effets continus de la COVID-19, tandis que les mesures stratégiques prises se détendent et que le coût économique réel et la trajectoire future de la pandémie deviennent plus apparents. Étant donné que les effets sur la solvabilité varient d’un secteur à l’autre, nous nous attacherons à surveiller le risque de crédit en période de ralentissement, bien que les déterminants économiques soient plus dramatiques.

Au Canada, les ménages et les entreprises ont toujours bénéficié du soutien de l’ensemble du secteur public. Le coût des mesures de soutien direct pour les particuliers et les entreprises s’élève à environ 214 milliards de dollars, mais un important risque de transition subsiste à mesure que les secteurs s’adaptent à la nouvelle normalité. Cela complique les prévisions de la valeur des actifs et leur relation avec les notions économiques fondamentales. Le risque de transition nous rappelle l’importance d’appliquer de saines pratiques de souscription tout au long du cycle économique et il constitue l’une des raisons pour lesquelles nous avons décidé d’éliminer progressivement le traitement spécial des fonds propres pour les reports de paiement, car cela nous redonnera une meilleure vision de la qualité du crédit.

Il est évident pour nous que bon nombre des risques avant la pandémie subsistent aujourd’hui et que, parfois, ils se sont intensifiés. Par exemple, on compte de plus en plus sur la réassurance et les modèles d’affaires dans le secteur de l’assurance évoluent. En outre, les cyberrisques deviennent plus menaçants à mesure que la numérisation s’accélère.

Toutes ces questions nécessitent un dialogue constant avec les institutions financières, les régimes de retraite privés et le grand public au moyen de communications régulières et répétées sur les priorités et les réponses stratégiques. Le contexte actuel exige aussi une collaboration étroite avec d’autres organismes gouvernementaux canadiens et les homologues internationaux. Les résultats de nos travaux permanents de surveillance continueront d’éclairer les décisions stratégiques prudentielles que nous prenons en fonction des risques que nous voyons et des outils dont nous disposons.

J’ai raconté au mieux ce que nous observons et ce que nous faisons maintenant. Nous avons constaté la résilience continue des institutions financières et des régimes de retraite ces derniers mois et nous devons être sûrs qu’ils seront prêts pour ce qui pourrait se passer – dans l’immédiat et à long terme.

Même si les prévisions économiques actuelles sont parmi les plus optimistes dans l’ensemble des résultats médiocres possibles, l’incertitude continue de dicter les décisions des gouvernements, des institutions et des Canadiens. Le ratio d’endettement des ménages demeure élevé, bien qu’il ait récemment reculé, en partie en raison des mesures de soutien direct (il était de 158,2 % au deuxième trimestre comparativement à 175,6 % au premier trimestre); l’endettement des sociétés et des emprunteurs souverains a augmenté, et les événements géopolitiques ayant des répercussions sur l’environnement, les questions sociales et la gouvernance font partie du paysage du risque dans son ensemble.

Encore une fois, nous nous attendons à ce que la faiblesse des taux d’intérêt persiste, ce qui exercera des pressions supplémentaires sur les institutions financières et les régimes de retraite qui ont des obligations de longue durée. En outre, une difficulté particulière pourrait surgir à terme lorsque les gouvernements cesseront de soutenir de façon importante l’économie et les marchés financiers.

Il est donc hors de question de se croiser les bras, même si les perspectives demeurent très incertaines. Des risques continuent de peser sur les institutions que nous surveillons, ce qui nous oblige à faire preuve d’anticipation.

Nous sommes d’avis qu’il faut maintenant recommencer à élaborer des politiques prudentielles qui préservent la résilience du système financier, tout en répondant aux niveaux sans précédent d’incertitude dus à la pandémie. Nous agissons ainsi parce que la pandémie pose de nouveaux risques, mais aussi parce qu’elle menace d’accélérer les vulnérabilités préexistantes. Nous avons affiché sur notre site Web nos plans d’élaboration de politiques pour les prochains trimestres qui portent sur la gestion du risque et la conformité, les fonds propres et la comptabilité. Ce redémarrage des politiques est adapté, pertinent et réaliste et permet de développer davantage notre cadre déjà solide.

J’ai commencé mon exposé en parlant des travaux de réglementation effectués pour assurer une protection contre le risque financier. Chacun des secteurs réglementés que nous surveillons étant exposé à un risque financier qui lui est propre, nos priorités en matière de politique prudentielle en tiennent compte.

Nous reprenons nos travaux sur les consignes visant l’activité d’assurance et les régimes de retraite. Dans le cas des régimes de retraite, nous ferons progresser les travaux relatifs aux guides d’instructions sur la réduction des prestations, la préparation des rapports actuariels et l’agrément et la cessation des régimes de retraite. De plus, au début du mois d’août, nous avons officiellement relancé le dialogue avec l’industrie concernant l’adoption de la nouvelle norme internationale d’information financière pour les contrats d’assurance, appelée IFRS 17, et ses conséquences sur les normes actuarielles et l’information sur la suffisance du capital des assureurs. Nous reprendrons également nos consultations sur les méthodes de réassurance, compte tenu de leur importance et du rôle clé qu’elles jouent dans la résilience et la capacité des entreprises d’assurance.

Pour ce qui est du secteur bancaire, nous allons de l’avant avec la mise en œuvre nationale du programme de réforme de Bâle III, ce qui comprend les exigences de communication en vertu du troisième pilier. Nous avons reporté d’un an cette mise en œuvre à la suite de l’annonce du Comité de Bâle, le 27 mars. Par ailleurs, nous poursuivrons nos travaux sur la proportionnalité des exigences applicables aux petites et moyennes institutions de dépôts, compte tenu de la nature distincte de ces institutions par rapport aux grandes banques actives sur la scène internationale.

Nous surveillons aussi l’évolution des pratiques de souscription des prêts hypothécaires résidentiels. Comme je l’ai mentionné dans mon dernier exposé à votre intention, en janvier dernier, nos révisions progressives de la ligne directrice B-20 ont eu les effets positifs attendus sur la souscription de prêts hypothécaires. Au Canada, le marché hypothécaire revêt de l’importance pour les institutions, la stabilité financière et la population. L’usage de saines pratiques de souscription est aussi important en période de prospérité qu’en période de crise. Même si j’ai également vu l’occasion de mettre à jour le taux de référence des prêts hypothécaires non assurés, les prévisions de risque et la réactivité des taux hypothécaires restent des cibles mobiles et nous ne sommes pas encore prêts à reprendre cette consultation.

J’ai également souligné l’importance du risque opérationnel dans la capacité de résilience globale des institutions financières. Nous avons aussi pour priorité d’améliorer la résilience et l’état de préparation des institutions et des régimes de retraite à ce risque non financier. Même si cet objectif existait avant la pandémie, le rythme de la numérisation des services financiers pendant la période d’éloignement physique n’a servi qu’à renforcer notre travail sur les risques technologiques.

Nous avons publié récemment un document de travail sur le risque lié aux technologies qui traite d’un plus large éventail de questions que d’habitude. Il y est notamment question de la cybersécurité, du risque lié aux tiers, de l’intelligence artificielle et des données. Cette pléthore de sujets nous oblige à communiquer avec un éventail d’interlocuteurs plus large que d’habitude. Cet élargissement du public cible vise à faire en sorte que nos prochaines étapes concernant les politiques prudentielles donnent de bons résultats prudentiels, tout en permettant aux institutions de se livrer concurrence grâce à de saines innovations.

Les risques prudentiels des institutions et des régimes de retraite privés que nous réglementons évoluent. Les effets de ces changements toucheront les divers secteurs financiers à des taux et à des moments différents. Une part importante de notre dialogue avec les parties prenantes sera le lancement d’une consultation pour savoir ce que nous devons faire de plus afin de favoriser la résilience aux risques financiers découlant des changements climatiques.

Jusqu’à maintenant, les institutions financières et les régimes de retraite ont réagi rapidement et efficacement face aux risques et à la volatilité engendrés par la COVID-19. La vigueur du système financier canadien avant la pandémie nous a été très utile. Mais, nous devons planifier les prochaines étapes.

D’ici 2021, il est très possible qu’un vaccin devienne largement disponible, ce qui promet une croissance économique et moins d’obstacles à notre système financier. Cependant, notre expérience des années qui ont suivi la crise financière mondiale nous laisse penser que les effets de la crise COVID-19 ne seront probablement pas de courte durée. Le BSIF se prépare à un marathon et non à un sprint.

C’est pourquoi nous adoptons une approche prudente : nous mettons l’accent sur la sécurité et la stabilité immédiates du système financier, des institutions et des régimes de retraite que nous surveillons, ce qui demande une surveillance étroite et un calibrage minutieux de nos interventions. Notre intention est de faire en sorte que les mesures du BSIF servent de transition dans l’attente de conditions plus stables, en nous guidant sur notre mandat et sur les leçons tirées de crises antérieures.

Nous en sommes maintenant à un point où nous pouvons et devons recommencer notre programme de politiques, dans une perspective de long terme. Nous devons également être prêts, le cas échéant, à adapter notre approche à la nouvelle normalité. Tout comme le marathonien, nous devons penser aux dix derniers milles autant qu’aux dix premiers, ce qui signifie commencer à agir dès maintenant pour préparer un avenir incertain.

Comme six mois se sont écoulés depuis la déclaration de la pandémie, nous avons déjà tiré de nombreuses leçons de la COVID-19. Nous avons tous vu l’importance d’une gestion de crise décisive, d’une communication ouverte et en temps opportun et de la capacité de s’adapter sous pression – de mettre en œuvre des mesures opérationnelles et financières inédites.

Comme dans la foulée de 2008, nous prendrons le temps d’apprendre de ces expériences et d’en tenir compte dans la conception future des politiques prudentielles. Ce que nous avons appris de la crise financière mondiale, nous l’avons mis en pratique, ce qui nous a permis d’être plus forts et mieux préparés aux événements actuels.

Je crois que les enseignements tirés de la COVID-19 nous mèneront encore plus loin et nous permettront de jeter un regard plus précis et sur les risques et les possibilités qui nous attendent. Entre-temps, nous continuons de travailler en étroite collaboration avec nos partenaires fédéraux et les autres parties prenantes afin de protéger le système financier canadien.

J’ai hâte de poursuivre la conversation sur les moyens dont nous y parviendrons ensemble.