L’importance d’appliquer de saines pratiques de souscription de prêts hypothécaires résidentiels

Discours - Toronto -

Allocution de Tolga Yalkin, surintendant auxiliaire au BSIF, Institut C.D. Howe, Toronto (Ontario), 13 avril 2023

Le texte prononcé fait foi

Avant tout, je tiens à souligner que nous sommes réunis aujourd’hui sur le territoire traditionnel non cédé des Mississaugas of the Credit, des Anishnaabeg, des Chippewas, des Wendats et des Haudenosaunees.

Je crois sincèrement que le fait de reconnaître le lien privilégié qu’entretiennent les Autochtones avec la terre que nous habitons permet non seulement de montrer que nous sommes conscients de tout ce que nous a apporté ce territoire, mais aussi de témoigner de notre volonté de réconciliation.

Entrons maintenant dans le vif du sujet, à savoir les mesures que le BSIF a prises, et qu’il continue de prendre, pour assurer de saines pratiques de souscription de prêts hypothécaires résidentiels et une bonne qualité du crédit dans un contexte caractérisé par :

  • une inflation galopante;
  • des taux d’intérêt élevés;
  • et un fort endettement des ménages.

Aujourd’hui, je vais évoquer :

  • les risques que nous observons, en tant qu’organisme;
  • les mesures que nous avons prises à leur égard au fil des ans;
  • et les raisons pour lesquelles nous continuons de réfléchir à des moyens de consolider nos approches.

Dans notre Regard annuel sur le risque, autrement connu sous l’acronyme RAR, nous avons attiré l’attention sur les risques qui découlent de la hausse sans précédent du prix des maisons, laquelle a pris le pas sur l’épargne des ménages et la croissance des revenus, et s’est traduite, au bout du compte, par un taux d’endettement plus élevé pour les emprunteurs. Cette tendance déjà préoccupante l’est d’autant plus du fait du basculement rapide que nous avons observé entre des taux d’intérêt historiquement bas et les taux les plus élevés depuis fin 2008.

Voilà pourquoi ces douze derniers mois, au BSIF, nous avons continué de surveiller divers indicateurs du risque lié aux prêts hypothécaires à la recherche de signes de vulnérabilité des emprunteurs. Or, force est de constater que la forte hausse des coûts d’emprunt pose des risques à court et à long terme pour les créanciers et les prêteurs hypothécaires.

  • Le risque à court terme pèse surtout sur deux types de créanciers hypothécaires, soit ceux ayant contracté un prêt à taux variable – que les versements soient variables ou fixes – et ceux qui devront bientôt renouveler un prêt à taux fixe.
  • Le risque à plus long terme concerne quant à lui la montée de l’endettement des ménages.

Ces dernières années, nous avons pris différentes mesures pour faire face à ces risques.

  • En 2018, il y a donc un peu plus de cinq ans, nous avons mis en place le taux admissible minimal, ou TAM. Communément appelé « simulation de crise », le TAM exige que les prêteurs évaluent la capacité de remboursement des nouveaux emprunteurs hypothécaires non assurés à un taux supérieur à celui du contrat. En 2021, nous avons ajusté le TAM qui correspond désormais au montant le plus élevé entre le taux contractuel majoré de 2 % et 5,25 %.
  • Je ne vous apprends sans doute rien en vous disant que le TAM permet d’évaluer la capacité d’un emprunteur à effectuer des paiements hypothécaires plus élevés en cas de chocs financiers. Il garantit ainsi que l’emprunteur disposera d’une certaine marge de manœuvre qui renforcera sa résilience financière face à des imprévus, par exemple :
    • une hausse des taux d’intérêt (telle que celle que nous observons dernièrement),
    • une perte de revenu (qui pourrait être précipitée par un ralentissement économique),
    • ou d’autres dépenses inattendues.
  • En 2021, outre l’ajustement du taux admissible, nous avons collaboré avec des prêteurs pour renforcer nos consignes en matière de souscription de prêts hypothécaires. Nous avons notamment souligné la nécessité d’évaluer de façon plus prudente les biens donnés en garantie dans des marchés où le prix des propriétés a rapidement augmenté.
  • Ensuite, début 2022, nous avons révisé nos lignes directrices sur la suffisance des fonds propres de manière à peaufiner les normes portant sur le crédit aux ménages et à harmoniser les coefficients de pondération du risque applicables aux expositions sur des assureurs hypothécaires privés.
  • Toujours en 2022, nous avons clarifié nos attentes à l’égard des produits de prêts combinés pour répondre aux préoccupations concernant la réoctroyabilité de la portion d’un prêt supérieure au ratio prêt-valeur maximal de 65 %, compte tenu des répercussions sur la dette restructurée et des risques qui y sont associés pour les prêteurs et les ménages.
  • Enfin, ces douze derniers mois, nous avons évalué les conséquences de la hausse des taux d’intérêt sur les emprunteurs. Pour ce faire, nous avons notamment travaillé avec des prêteurs qui offrent différents types de prêts hypothécaires à taux variable afin de comprendre comment ils entendent s’y prendre pour recenser et gérer les emprunteurs qui pourraient bien être vulnérables et se retrouver en difficulté si leurs versements hypothécaires venaient à augmenter.
  • Une stratégie, particulièrement attrayante pour les emprunteurs ayant des prêts à taux variable, consiste à allonger provisoirement la période d’amortissement. Si cette solution permet effectivement de composer à court terme avec des taux d’intérêt plus élevés, elle n’est pas sans risque. En effet, qui dit allongement de la période d’amortissement, dit durée d’endettement plus longue, et plus d’intérêts à payer.

Ainsi, dans nos échanges avec les institutions financières, nous avons mis l’accent sur les avantages d’une gestion des comptes en amont, qui permet d’intervenir avant que l’endettement des emprunteurs ne devienne impossible à maîtriser. Nous avons par ailleurs clairement indiqué que nous sommes reconnaissants des efforts déployés par les prêteurs pour aider leurs clients à rester propriétaires tout en veillant à ce que les mesures prises respectent la propension à prendre des risques de l’institution. Il n’en demeure pas moins que nous avons bien conscience qu’il peut parfois être difficile pour les prêteurs de gérer ce type de situation.

Pour autant, et cela ne surprendra personne, nous sommes loin de voir tout en rose, car le nombre croissant d’emprunteurs fortement endettés accentue le risque de moindre performance du crédit. Bien que les établissements de prêt soient bien capitalisés et résilients sur le plan financier, la hausse des coûts d’emprunt et un éventuel ralentissement économique pourraient entraîner plus de défauts de paiement, une éventuelle réaction désordonnée des marchés ainsi qu’une incertitude et une volatilité économiques encore plus grandes.

La ligne directrice B-20 sur la souscription de prêts hypothécaires résidentiels est l’un des outils que nous utilisons pour aider les institutions à gérer ces risques. De fait, de saines pratiques de souscription de prêts hypothécaires contribuent grandement à la stabilité du système financier du Canada. C’est donc grâce à cette ligne directrice que nous veillons à ce que les prêteurs sous réglementation fédérale gèrent les risques associés aux prêts hypothécaires de manière à favoriser la qualité du crédit.

Instaurées en 2012, ces consignes ont maintenant plus de 10 ans. Depuis, notre environnement de risque a beaucoup évolué. Mentionnons notamment les risques accrus découlant d’un fort endettement des ménages dont j’ai parlé tout à l’heure. Voilà pourquoi nous nous sommes engagés, dans la nouvelle version du RAR parue à l’automne, à entreprendre une révision globale de ces consignes.

De fait, pour bien faire notre travail, nous devons agir en amont – et non en aval – et adopter une approche équilibrée afin d’assurer la sûreté et la solidité des entités fédérales tout en permettant aux institutions de faire face à la concurrence et de prendre des risques raisonnables.

Afin de nous aider à trouver des moyens d’y parvenir, vous savez sans doute que nous avons lancé, en janvier dernier, une consultation initiale sur la ligne directrice B‑20 qui met l’accent sur les mesures de remboursement de la dette, consultation qui, entre parenthèses, prend fin demain.

À ce propos, certains ont remis en cause la nécessité de cette consultation, faisant valoir que nos normes de souscription sont même trop restrictives compte tenu des faibles taux d’incident de paiement.

Il convient toutefois de souligner que les arriérés sont un indicateur tardif du risque. Selon nous, si nous partons du principe que la performance du crédit observée par le passé se répétera à l’avenir, nous ne jouons pas notre rôle d’organisme de réglementation prudentielle. Comme nous l’avons vu aux États‑Unis lors de la crise financière mondiale de 2008, on ne peut pas se fier à de faibles taux d’incident de paiement, car le vent peut vite tourner.

Par conséquent, nous avons sollicité, dans le cadre de cette consultation, des commentaires sur plusieurs propositions liées à la capacité de remboursement de la dette. En voici quelques‑unes :

  • Des restrictions du ratio prêt-revenu et du ratio dette-revenu, qui limiteraient la dette hypothécaire ou l’endettement total sous forme de multiple, ou de pourcentage, du revenu de l’emprunteur.
  • Des restrictions relatives à la couverture du remboursement de la dette (p. ex., amortissement brut de la dette et amortissement total de la dette), qui limiteraient les obligations liées au remboursement continu de la dette, en pourcentage du revenu de l’emprunteur.
  • Des simulations de crise sur l’abordabilité des taux d’intérêt, comparables au TAM, qui permettraient d’évaluer le taux d’intérêt minimal appliqué aux calculs de la couverture du remboursement de la dette.

Précisons que ces propositions pourraient être mises en place à l’échelle du prêt et appliquées à chaque demande de prêt hypothécaire d’un emprunteur, comme c’est le cas du TAM actuel, ou bien à l’échelle du prêteur et appliquées au volume global ou au portefeuille de prêts hypothécaires du prêteur.

Dans notre document de consultation, nous privilégions les approches à l’échelle du prêteur, qui donneraient la latitude à ce dernier d’accorder un certain nombre de prêts au-dessus de tout nouveau seuil établi.

Nous souhaitons connaître le point de vue des parties prenantes sur ces propositions, et sur la façon dont elles pourraient être mises en œuvre, si elles sont adoptées. Nous prendrons par ailleurs connaissance avec intérêt des réponses que nous avons déjà reçues.

En plus de consulter les parties prenantes, nous examinons les règles de souscription de prêts hypothécaires de nos homologues à l’échelle internationale. En effet, plusieurs pays ont déjà adopté des mesures semblables à celles que nous envisageons, et nous avons donc beaucoup à apprendre de leur expérience.

Pour en revenir à la consultation lancée en janvier, nous prévoyons de publier, dès que possible, un rapport sommaire sur ce qui ressort de la première phase. Les commentaires reçus lors de cette phase initiale éclaireront les prochaines étapes qui seront proposées, dont d’éventuelles modifications de la ligne directrice B-20, laquelle serait alors de nouveau soumise à consultation publique sous forme de version à l’étude. Il est également possible que nous publiions entre temps des consignes provisoires d’après, cela va sans dire, les résultats de la consultation initiale.

Voilà qui m’amène à aborder un point important : au BSIF, nous savons que les décisions que nous prenons concernant la ligne directrice B-20 touchent un grand nombre de Canadiens et de Canadiennes. C’est pourquoi nous nous sommes engagés à faire preuve de transparence dans ce dossier, et c’est aussi l’une des principales raisons pour lesquelles nous avons lancé – avant de décider de la voie à suivre et de publier une version à l’étude de la ligne directrice – une consultation pour connaître le point de vue des parties prenantes sur les différentes options qui pourraient être envisagées. Nous pensons que cette forme de consultation d’entrée de jeu nous aidera à aboutir à une situation optimale où les Canadiens et les Canadiennes peuvent bénéficier de prêts hypothécaires, et où les établissements de prêt sont résilients.

C’est maintenant le moment de conclure.

De saines pratiques de souscription de prêts hypothécaires et une bonne qualité du crédit contribuent au bon fonctionnement du marché hypothécaire, et sont essentielles au bien-être financier de la population canadienne.

Nous savons que nombre d’entre vous, ainsi que nos différents interlocuteurs, ont des suggestions importantes à faire qui peuvent nous aider à y voir plus clair sur ces questions. Nous sommes donc impatients d’étudier de près les commentaires reçus, lesquels contribueront à tracer la voie à suivre dans le contexte économique actuel et à favoriser, de manière plus générale, la stabilité continue de notre système financier.

Merci.