Présentation au London Actuaries Club : « Projections de la mortalité pour les programmes de sécurité sociale au Canada »

Date
Emplacement
London (Ontario)
Conférencier / Conférencière
Shayne Barrow, actuaire adjoint principal, BAC, BSIF,
Christine Dunnigan, directrice, BAC, BSIF

Énoncé sur l’accessibilité

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Bonjour à tous et à toutes, et merci au London Actuaries Club de nous donner, à mon collègue Shayne et à moi-même, l’occasion de nous adresser à vous aujourd'hui. Nous allons vous présenter aujourd’hui la méthode que nous utilisons pour établir les hypothèses de mortalité fondées sur les meilleures estimations dans le rapport actuariel que publie notre bureau. Nous avons présenté le même exposé sous forme de webinaire pour l’Institut canadien des actuaires en octobre. Si vous l’avez écouté, désolée pour la redondance. Outre quelques nouvelles données sur la COVID-19, le contenu est identique. On ne se le cachera pas : le sujet de l’exposé est assez aride, surtout lorsqu’on doit s’y pencher de 16 h à 17 h un jeudi. Malgré tout, je pense qu’on sera tous d’accord pour dire que la mortalité constitue un élément très important du travail des actuaires à bien des égards, qu’on pense à la retraite, à l’assurance ou à la sécurité sociale.

Bureau de l’actuaire en chef (diapositive 2)

Commençons par un portrait rapide de notre bureau. Le Bureau de l’actuaire en chef, ou BAC pour les intimes, compte une quarantaine de personnes dont la plupart sont actuaires ou ont une formation dans le domaine. Il s’agit d’une unité indépendante du Bureau du surintendant des institutions financières. Donc, même si nous en faisons partie, comme vous le savez sans doute, notre mandat est distinct de celui des autres divisions du BSIF. Le BAC a pour mandat d’effectuer des évaluations actuarielles prévues par la loi de divers programmes de sécurité sociale et de régimes de pension et d’assurance des employés du secteur public fédéral. Les programmes qui relèvent de nous sont présentés sur cette diapositive. Tous nos rapports sont déposés au Parlement par le ministre compétent.

En vertu de ce mandat législatif, notre bureau, et plus spécialement l’actuaire en chef, actuellement Assia Billig, est seul responsable des hypothèses énoncées dans nos rapports, de même que de leur contenu et des opinions actuarielles qui y sont formulées. La loi nous oblige à fonder nos hypothèses sur la meilleure estimation dans tous nos rapports, sans marge pour écarts défavorables.

Puisque nous analysons des programmes de sécurité sociale de grande envergure, nous avons accès à une pléthore de données qui nous permettent de faire des projections de mortalité pour le Régime de pensions du Canada, le programme de la Sécurité de la vieillesse et les grands régimes de retraite du secteur public fédéral.

Pendant notre exposé, mon collègue Shayne et moi-même allons vous expliquer comment nous établissons nos projections de mortalité et quels facteurs nous prenons en considération.

Évaluation actuarielle triennale du RPC (diapositive 3)

Notre bureau est tenu par la loi de produire des rapports d’évaluation actuarielle sur le Régime de pensions du Canada (RPC) tous les trois ans. En temps normal, les hypothèses de mortalité établies dans le contexte triennal de ce rapport servent de point de départ aux autres rapports législatifs que prépare notre bureau.

Par exemple, les projections démographiques figurant dans le rapport législatif du BAC sont les mêmes que celles du rapport sur le RPC (les deux suivent d’ailleurs le même cycle triennal). De même, les taux d’amélioration de la mortalité utilisés dans le rapport législatif portant sur la plupart des régimes de retraite du secteur public fédéral reposent sur des hypothèses tirées du dernier rapport sur le RPC.

Mais le moins qu’on puisse dire, c’est que nous ne sommes pas « en temps normal ». Même si le dernier rapport sur le RPC a été déposé au Parlement avant l’arrivée de la pandémie de COVID-19 au Canada, je me verrais mal vous expliquer aujourd’hui nos hypothèses de mortalité sans parler de l’éléphant dans la pièce.

Bien que notre bureau ait commencé à étudier l’incidence de la pandémie sur la mortalité pour le prochain rapport sur le RPC, les travaux ne nous permettent pas encore de faire état concrètement des effets potentiels à court et à long terme. Cela dit, nous traiterons tout de même de cette question à la fin de la présentation.

Évaluation actuarielle triennale du RPC (diapositive 4)

Le dernier rapport triennal sur le RPC, préparé en date du 31 décembre 2018, a été déposé au Parlement en décembre 2019. Comme nous l’avons déjà dit, c’était avant l’arrivée de la pandémie de COVID-19 au Canada.

Pour vous donner une idée du travail que nous faisons, disons que nos rapports actuariels sur le RPC comportent, entre autres, des projections des cotisations et des dépenses futures du RPC selon l’approche de groupe ouvert sur une période de plus de 75 ans.

Par conséquent, il nous faut commencer par projeter la population générale par âge et par sexe sur la période de projection. L’hypothèse de mortalité de la population générale joue un rôle important dans nos projections de la population. Nous devons également établir des hypothèses de mortalité distinctes pour différents sous-groupes de bénéficiaires du RPC afin de révéler les écarts liés à la mortalité entre ces derniers et la population générale.

Ces disparités sont prises en compte par l’application de différents taux de mortalité de départ. Toutefois, les mêmes taux d’amélioration de la mortalité sont appliqués à tous les sous-groupes.

Avant de passer la parole à Shayne, je tiens à préciser que bien que nous établissions des hypothèses de mortalité pour tous les groupes d’âge, nous nous concentrons surtout sur les 65 ans et plus puisque cette tranche d’âge est celle qui permet réellement de déterminer le coût du RPC lorsqu’il est question de mortalité.

Je laisse maintenant la parole à Shayne, qui vous parlera plus en détail de notre méthodologie.

Projection des taux de mortalité pour le RPC (diapositive 5)

Merci Christine. Nous allons donc voir ensemble comment, globalement, nous projetons les taux de mortalité pour le RPC. Pour commencer, nous utilisons les chiffres de Statistique Canada sur la mortalité de la population; au moment de notre évaluation, les plus récentes données disponibles étaient celles de 2015. Pour les retraités et les survivants, nous appliquons des facteurs d’ajustement à ces taux de mortalité de départ qui sont ceux de la population générale, mais pour les bénéficiaires invalides, nous utilisons les données compilées. Ces facteurs sont décrits dans notre étude actuarielle numéro 16; Christine vous en parlera plus tard.

Ensuite arrive l’essentiel de notre hypothèse : l’établissement des taux d’amélioration de la mortalité. Pour ce faire, nous combinons une approche rétrospective et prospective. Autrement dit, nous analysons les taux historiques d’amélioration aussi loin que nous le pouvons et considérons les effets potentiels de facteurs passés comme futurs sur l’amélioration de la mortalité; nous y reviendrons tout à l’heure.

Après cette analyse, nous exerçons notre jugement pour établir les taux choisis et ultimes d’amélioration à retenir selon l’âge et le sexe. Pour le RPC30, les données historiques que nous avons utilisées étaient issues de la Base de données sur la longévité canadienne (BDLC) et des taux de mortalité de Statistique Canada pour la population canadienne. Les données compilées portant sur les taux de mortalité par âge couvraient la période de 1921 à 2011 dans la BDLC, tandis que celles de Statistique Canada se rendaient jusqu’en 2015.

Une fois notre hypothèse établie, nous faisons une analyse de sensibilité pour voir les effets sur les taux minimaux de cotisation au RPC.

Donc, en fin de compte, nos projections ne portent pas sur l’espérance de vie : elles portent sur les taux d’amélioration de la mortalité, et l’espérance de vie n’en est que le résultat.

Les taux de mortalité sont plus élevés que prévu dans le RPC27 (diapositive 6)

Donc, jetons un coup d’œil sur notre point de départ, soit les taux de mortalité de 2015 de Statistique Canada selon l’âge et le sexe. On voit ici l’espérance de vie en 2015 comparativement à ce que nous avions prévu dans le rapport précédent, le RPC27. Dans le passé, nous avions toujours surévalué la mortalité, de telle sorte que nos hypothèses d’amélioration de la mortalité étaient toujours inférieures à la mortalité réelle. Autrement dit, l’espérance de vie réelle était plus longue que dans nos prévisions. Mais cette fois-ci, pour la première fois depuis longtemps, nos taux de mortalité de départ pour le RPC30 étaient plus élevés que ce que nous avions prévu dans le précédent rapport sur le RPC. Par conséquent, l’espérance de vie pour l’année civile 2015 est légèrement plus faible que prévu.

On le voit dans ce tableau. L’espérance de vie à 65 ans est de 0,4 an de moins pour les hommes et de 0,2 an de moins pour les femmes. À 80 ans, la baisse est de 0,1 an. Examinons donc ce qui explique ce phénomène et les données historiques sur l’espérance de vie et voyons si le Canada est le seul pays à connaître cette baisse.

Espérance de vie à 65 ans – Espérance de vie des hommes à 65 ans (diapositive 7)

Dans les prochaines diapositives, nous allons jeter un coup d’œil sur les courbes rétrospectives et les facteurs de mortalité du passé. Pour établir une hypothèse de mortalité, l’analyse et la compréhension des courbes de mortalité du passé constituent un jalon important. Pour ce faire, il faut regarder l’évolution de l’espérance de vie avec le temps. Dans notre processus d’établissement des hypothèses, nous comparons aussi le Canada aux autres pays. Par ailleurs, même si nous établissons des taux de mortalité pour tous les âges, nous nous concentrons surtout sur les 65 ans et plus, qui jouent un rôle prépondérant dans le coût du RPC, comme Christine l’a mentionné.

Ce graphique montre l’évolution historique de l’espérance de vie des hommes au Canada comparativement à celle de cinq autres pays comptant plus de 8 millions d’habitants, dont certains arborent en cette matière les espérances de vie les plus élevées du monde : États-Unis, Japon, France, Finlande et Royaume-Uni. On voit que le Canada (en rouge) fait très bonne figure, se classant parmi les trois premiers pays de la liste.

Dans les années 1950, l’espérance de vie aux États-Unis et au Canada était plus élevée qu’en Europe et au Japon. À partir du milieu des années 1970, d’autres pays ont amorcé un rattrapage. Depuis dix ans, ces trois pays ont une espérance de vie très comparable pour les hommes et, en 2015, le Canada fait partie du peloton de tête.

La diapositive démontre bien aussi que l’espérance de vie ne progresse plus au même rythme qu’avant, surtout dans le cas du Royaume-Uni et des États-Unis (lignes verte et marron). On verra tout à l’heure que le même phénomène est à l’œuvre au Canada, quoique dans une moindre mesure.

En 2015, l’espérance de vie des hommes canadiens de 65 ans était de 19,3 ans, deuxième après le Japon à 19,4 et avant la France, qui suit de près à 19,1.

Espérance de vie à 65 ans – Espérance de vie des femmes à 65 ans (diapositive 8)

On observe la même tendance chez les femmes. À partir des années 1950, l’espérance de vie à 65 ans progresse constamment, mais à un rythme qui commence à diminuer en 2010.

Il est intéressant de constater que si le Canada, la France et le Japon ont des chiffres très similaires au chapitre de l’espérance de vie des hommes, la France et le Japon affichent une espérance de vie nettement supérieure à celle du Canada pour les femmes, soit 23 et 24,3 ans contre 22,1. En Finlande, l’espérance de vie des hommes est plus courte qu’au Canada, mais presque identique chez les femmes.

Quand on compare différents pays, il ne faut jamais oublier que l’espérance de vie est fonction de diverses particularités qui lui sont propres et qui donnent lieu à des écarts, par exemple, le taux de mortalité infantile, le régime alimentaire, les disparités de revenu et le mode de vie. Il faut aussi se dire que l’espérance de vie varie beaucoup selon l’âge, l’état de santé, etc., ce que nous verrons à la diapositive suivante.

Après 85 ans, les plus faibles taux de mortalité se trouvent au Canada, au Japon et en France (diapositive 9)

L’espérance de vie est un chiffre global qui cache des disparités entre les âges. Nos hypothèses se basent sur les taux de mortalité selon l’âge et le sexe, et l’espérance de vie en est le résultat. Or pour savoir comment les taux de mortalité pourraient évoluer, il est intéressant de regarder quels sont les groupes d’âge qui peuvent s’améliorer au Canada par rapport à ce qu’on observe dans les autres pays.

Cette diapositive montre les taux de mortalité par groupe d’âge à partir de 65 ans pour 11 pays jouissant d’une grande longévité et dont la population dépasse 8 millions. À des fins de comparaison, nous avons ajouté quelques pays comme l’Allemagne, la Suède, la Suisse, l’Australie et l’Espagne. Le Canada est en rouge. Ainsi, les pays qui ne rejoignent pas la ligne horizontale rouge ont un taux de mortalité inférieur à celui du Canada, et les pays qui la dépassent ont un taux supérieur.

Comme on peut le voir, bien que les disparités quant aux taux de mortalité ne soient pas très grandes chez les 65 à 84 ans, le Canada (en rouge) s’en tire bien, de même que la France et le Japon, mais il pourrait encore s’améliorer.

Chez les 85 à 94 ans, le Canada figure parmi les trois pays affichant les taux de mortalité les plus faibles, avec le Japon (en bleu pâle) et la France (en bleu foncé).

Cancer et maladies coronariennes : principales causes de décès dans la plupart des pays (diapositive 10)

Après avoir examiné le ralentissement des progrès concernant l’espérance de vie puis les taux de mortalité par âge, qui nous montrent que le Canada pourrait s’améliorer, mais qu’il se classe bien à l’échelle internationale, voyons maintenant les principaux facteurs qui alimentent ces tendances en nous penchant sur les causes de décès.

Cette diapositive présente les taux de mortalité pour quatre des principales causes de décès : le cancer, les maladies coronariennes, les maladies cérébrovasculaires, et la grippe et la pneumonie, pour les 75 à 84 ans (les deux sexes combinés). La bande rouge représente le Canada, la noire, le pays affichant le taux le plus élevé parmi ceux de la diapositive précédente, et la verte le pays affichant le plus faible taux.

Le taux de mortalité par cancer le plus élevé s’observe au Royaume-Uni. Le Canada ne fait toutefois pas très bonne figure : il se classe au deuxième rang.

En revanche, du côté des maladies coronariennes, les deux seuls pays ayant un taux plus faible que le Canada sont la France et le Japon, et dans le cas des accidents vasculaires cérébraux (AVC), il n’y a que la France.

Les taux de mortalité attribuables à la grippe et à la pneumonie prouvent que même au Japon, personne n’est immortel. Les personnes âgées du Japon meurent peut-être moins du cancer et de maladies coronariennes, mais elles sont beaucoup plus susceptibles de succomber à une pneumonie que celles des autres pays. Donc, même si le Canada pouvait s’améliorer en ce qui concerne le cancer, il n’a pas à rougir pour ce qui est de ses taux de mortalité par maladie coronarienne et par accidents vasculaires cérébraux par rapport à ceux des autres pays.

La mortalité due aux maladies coronariennes a considérablement reculé au cours des dernières décennies (diapositive 11)

Concentrons-nous maintenant sur les causes de décès uniquement au Canada pour voir si nous pouvons expliquer le ralentissement de la progression de l’espérance de vie. Cette diapositive montre les taux de mortalité correspondant aux principales causes de décès chez les 65 ans et plus.

D’emblée, on constate que le taux de mortalité par maladie coronarienne s’est considérablement amélioré en quelques décennies. Il s’agit d’un facteur important de l’amélioration significative de l’espérance de vie observée à 65 ans. Ce taux a en effet connu une amélioration d’environ 4 % par année pour les personnes de 65 ans et plus (hommes et femmes), ce que nous verrons à la prochaine diapositive.

Toutefois, comme on peut le voir, cette amélioration du taux de mortalité par maladie coronarienne a ralenti considérablement chez les hommes dernièrement. La ligne noire montre le basculement de la tendance depuis 2010.

On constate aussi une tendance continuellement à la baisse des décès par AVC (jaune), par cancer (bleu) et par cancer du poumon. Dans ce dernier cas, l’explication se trouve fort probablement dans la régression du tabagisme chez les hommes.

Chez les femmes, la mortalité par cancer régresse lentement (diapositive 12)

La courbe des femmes est très comparable à celle des hommes pour les maladies coronariennes et les AVC. Ici encore, on constate que la mortalité par maladie coronarienne, bien que toujours à la baisse, a commenté à diminuer à un rythme moins prononcé.

Malheureusement, dans le cas des taux de mortalité par cancer, les progrès semblent inexistants.

Par ailleurs, les décès par cancer du poumon progressent, ce qui s’explique probablement par l’existence d’une cohorte de femmes qui ont commencé à fumer plus tard que les hommes.

Taux historiques d’amélioration de la mortalité – Moyenne à long terme (diapositive 13)

Après avoir vu les causes de décès, l’espérance de vie et les cas où les améliorations s’atténuent, nous pouvons maintenant nous pencher sur les taux d’amélioration de la mortalité, qui sont au cœur de nos hypothèses pour le RPC. Si on regarde uniquement le passé, on constate que sur les 90 dernières années (prenons la durée la plus longue possible puisque nos projections concernent le très long terme), le taux d’amélioration moyen de la mortalité était de 1,0 % par année pour les 65 ans et plus et de 0,7 % par année pour les 85 ans et plus.

Comme beaucoup d’autres pays, le Canada a vu un ralentissement de l’amélioration de ses taux de mortalité. Cette tendance à la baisse est d’ailleurs manifeste pour les 15 dernières années (2000-2015), où le taux d’amélioration pour les 65 ans et plus était de 1,9 %, mais est tombé à 1,3 % pour les 5 dernières années seulement. On voit également que l’amélioration des 5 dernières années pour les 65 à 74 ans, à 0,9 %, est moins forte que le 1,3 % qu’on constate sur un horizon de 90 ans.

Baisse des améliorations de la mortalité au cours des dernières années : anomalie passagère ou tendance? (diapositive 14)

La même tendance peut être constatée quand on examine les données du programme de la Sécurité de la vieillesse, qui touche plus de 97 % de la population canadienne âgée de plus de 65 ans. Cette diapositive présente les taux historiques de l’amélioration de la mortalité chez les 65 ans et plus par groupes d’âge pour trois périodes de cinq ans (de 2004 à 2009, de 2009 à 2014 et de 2014 à 2019). Le bleu représente les hommes, et l’orange les femmes.

Comme on peut le voir ici, cette tendance à la baisse est particulièrement prononcée chez les hommes bénéficiaires de la SV âgés de 65 à 69 ans. En effet, leur taux d’amélioration de la mortalité moyen, qui avoisinait les 2,0 % de 2004 à 2014, est passé à 0,4 % de 2014 à 2019. La situation était semblable chez les femmes bénéficiaires de la SV du même groupe d’âge, dont le taux d’amélioration de la mortalité moyen passe d’environ 1,7 % de 2004 à 2014 à 0,4 % de 2014 à 2019.

Le taux annuel d’amélioration de la mortalité diminue aussi pour les autres groupes d’âge supérieurs à 65 ans. On trouvera plus de renseignements dans la Fiche de renseignements du BAC sur la mortalité du Programme de la sécurité de la vieillesse que nous avons publiée en novembre 2020.

Donc, de manière générale, on continue d’observer des améliorations pour les 65 ans et plus, mais à un rythme décroissant comparativement au proche passé. Maintenant que nous avons vu les analyses et facteurs des données rétrospectives, Christine vous parlera des analyses et facteurs dont il faut tenir compte pour établir nos hypothèses dans une optique prospective.

Difficile de quantifier les causes futures de mortalité (diapositive 15)

Shayne vous a présenté certaines des données et certains des indicateurs que nous analysons pour comprendre le passé. Cependant, notre méthode ne repose pas sur des projections par causes de décès ni sur l’analyse ou l’extrapolation des données sur la mortalité passée à partir de modèles mathématiques comme le modèle Lee Carter. De notre point de vue, les tendances passées ne reflètent pas nécessairement celles de l’avenir, puisque les facteurs de mortalité de demain ne sont pas ceux d’hier. Donc, au lieu d’extrapoler à partir du passé, nous adoptons une approche axée sur le jugement pour établir nos projections de mortalité. Nous tenons compte des tendances historiques et nous nous demandons s’il est probable qu’elles se maintiennent en examinant des facteurs nouveaux, réels et potentiels, susceptibles de se manifester dans l’avenir.

Par exemple, quand il est question d’analyser les données du passé, comme l’a démontré mon collègue Shayne dans les diapositives précédentes, il semble que certains des « gains faciles » attribuables notamment à la réduction de la mortalité due aux maladies coronariennes et à la réduction du tabagisme soient derrière nous et ne risquent pas de revenir. Quant au succès des traitements contre le cancer, l’une des principales causes de décès à un âge avancé, les résultats ne se sont pas avérés si prometteurs jusqu’ici.

Ainsi, quand on regarde les facteurs futurs de la mortalité, les inconnues sont multiples. Comme on peut le voir dans la liste de cette diapositive, les causes futures de mortalité pourraient pencher d’un côté comme de l’autre. En effet, qu’ils soient favorables ou défavorables, il y a beaucoup d’incertitude entourant ces facteurs et leurs interactions à venir. Vous aurez sûrement remarqué que nous citons les pandémies parmi les facteurs futurs potentiels de mortalité. Ce qui était naguère considéré comme un facteur très théorique est rapidement devenu une réalité. Toute l’incertitude qui entoure les facteurs futurs de mortalité et la vitesse à laquelle les choses peuvent changer sont ainsi mises en relief.

En plus de ces facteurs qui peuvent toucher plusieurs pays, chaque pays a ses caractéristiques économiques et culturelles susceptibles d’influencer la mortalité. Par exemple, compte tenu des différences de régime alimentaire, de climat et de mode de vie, est-il réaliste de croire que les femmes canadiennes pourraient un jour atteindre la longévité des Japonaises?

Dans les prochaines diapositives, je vais vous parler de certaines tendances propres au Canada qui pourraient influer sur les taux de mortalité et dont nous tenons compte dans nos hypothèses.

D’ici 2050, l’obésité coûtera au Canada un manque à gagner de 3 ans d’espérance de vie (diapositive 16)

Parlons d’abord de la surmortalité future attribuable à l’obésité. Malheureusement, au sein des pays de l’OCDE, le Canada se classe 29e sur 34 avec une prévalence de l’obésité de près de 26 % chez les adultes. Or, les personnes obèses risquent particulièrement de développer des affections chroniques comme l’hypertension, le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires et certains cancers, voire de mourir prématurément.

Comme on le voit sur la diapositive, l’OCDE estime que d’ici 2050, les Canadiens devraient vivre trois ans de moins que s’ils étaient libérés du fléau de l’obésité.

En 2017, au Canada, les taux de décès attribuables aux surdoses d’opioïdes étaient de 1,6 à 2,1 fois plus élevés qu’en 2015 (diapositive 17)

On observe depuis récemment une triste tendance au Canada (comme aux États-Unis, quoique moins grave), à savoir l’augmentation du nombre de décès par surdose d’opioïde.

Selon Statistique Canada, l’espérance de vie à la naissance au Canada n’a pas augmenté entre 2016 et 2017, ni pour les hommes ni pour les femmes, et ceci est en grande partie attribuable aux décès liés à la crise des opioïdes. Le graphique de cette diapositive montre le changement dans l’espérance de vie en 2017 qui s’explique par les surdoses de drogue. On voit que ce facteur a réduit l’espérance de vie à la naissance de 0,1 an pour les hommes et de 0,02 an pour les femmes.

Comme les décès accidentels par surdose de drogue se produisent surtout chez les jeunes adultes, ils ont un effet plus important sur l’espérance de vie à la naissance. Le graphique démontre que c’est en Alberta et en Colombie-Britannique que la situation est la plus préoccupante.

Même avant la pandémie, la crise s’aggravait. Selon l’Agence de la santé publique du Canada, les taux de décès apparemment liés aux opioïdes à l’échelle canadienne sont demeurés élevés de juillet 2017 à mars 2020.

Malheureusement, au Canada, la crise des opioïdes est exacerbée par la COVID-19. En septembre, la médecin en chef du Canada a déclaré que les mesures de santé publique mises en place pour bloquer la propagation de la COVID-19 avaient compliqué les choses pour les toxicomanes ayant besoin d’aide. Ainsi, plusieurs provinces ont fait état d’un pic des décès par surdose depuis le début de la pandémie. En Colombie-Britannique, par exemple, les chiffres sont renversants. De mars à novembre 2020, le nombre de décès par surdose en Colombie-Britannique a été plus élevé que le nombre de décès causés par la COVID-19, sauf en novembre. Et l’écart n’est pas mineur : on parle de 1 400 victimes de surdose, contre 450 décès liés à la COVID-19. La pandémie a également aggravé la crise des opioïdes en en Alberta, quoique dans une moindre mesure : il n’en demeure pas moins que les surdoses fatales ont dépassé le nombre de décès causés par la COVID-19 durant les dix premiers mois de 2020.

Mortalité : les écarts socioéconomiques diminuent avec l’âge (diapositive 18)

Les inégalités représentent un autre facteur important influant sur la mortalité. Les inégalités se mesurent très souvent par un écart de revenu : les personnes ayant un revenu élevé ont généralement une meilleure espérance de vie que les personnes moins bien nanties, toutes autres choses étant égales par ailleurs.

Pour le RPC, nous tenons compte des inégalités dans nos projections en établissant des taux de mortalité qui varient selon le niveau de pension des bénéficiaires de prestations de retraite du RPC. Notre hypothèse se fonde sur une analyse rétrospective des données sur les bénéficiaires du régime.

Ce graphique montre l’espérance de vie des bénéficiaires de prestations de retraite du RPC selon le niveau de pension. On constate tout de suite que les écarts sont évidents. Par exemple, à 60 ans, les hommes dont la pension est plus élevée devraient vivre environ 2,5 ans de plus que les autres. Pour les femmes, la différence se chiffre à un peu moins de 2 ans.

On peut voir aussi que l’écart diminue avec l’âge.

L’écart de l’espérance de vie par niveau de prestations est stable dans le temps (diapositive 19)

Outre le constat des inégalités dans les taux actuels de la mortalité, il faut aussi s’intéresser à l’évolution de celles-ci. Or, depuis vingt ans, pour les deux sexes, l’écart dans l’espérance de vie à 65 ans des bénéficiaires du RPC touchant la pension maximale et ceux touchant une pension inférieure à 37,5 % du maximum n’a pas bougé.

Par conséquent, dans nos projections, nous tenons compte de ces écarts de mortalité en fonction du niveau de pension tout en supposant qu’ils resteront stables.

Il faut comprendre que les situations extrêmes comme la pandémie en cours peuvent influer sur l’écart causé par la situation socioéconomique. En effet, comme nous le verrons tout à l’heure, selon les données préliminaires, la COVID-19 semble toucher plus durement les personnes défavorisées sur le plan socioéconomique. Cela peut s’expliquer soit par les inégalités préexistantes de mortalité attribuables au statut socioéconomique, soit par une dynamique ayant aggravé celles-ci, ne serait-ce que temporairement. Il importe donc de redoubler de vigilance lorsque survient une crise susceptible d’avoir des effets différents selon le segment de population.

La mortalité est beaucoup plus élevée chez les bénéficiaires de prestations de survivant que dans la population générale (diapositive 20)

Les bénéficiaires du RPC comprennent les survivants, dont le taux de mortalité est considérablement plus élevé que celui de la population générale. Comme on le voit sur ce graphique, qui affiche la proportion des taux de mortalité des survivants bénéficiaires du RPC par rapport à la population générale, ces taux pour les survivants à 65 ans, par exemple, sont plus de 30 % supérieurs à ceux de la population générale.

On pourrait expliquer ce phénomène par le fait que les survivants sont profondément affectés par la perte de leur conjoint, surtout à un âge avancé lorsque leur santé physique et émotionnelle est déjà affaiblie. De plus, on peut supposer que, dans certains cas, le fait de perdre une partie de la source principale de revenu puisse être une cause de stress.

Dans nos projections, nous ajustons les taux de mortalité des survivants pour tenir compte des écarts par rapport à la population générale en nous fondant sur des données historiques.

Maintenant que nous avons vu certains des facteurs dont nous tenons compte pour établir notre hypothèse de mortalité, je passe la parole à Shayne, qui vous parlera de nos hypothèses finales pour le RPC30.

Hypothèse du RPC30 : la mortalité continuera de s’améliorer, mais à un rythme plus lent – Taux d’amélioration de la mortalité historiques et projetés – Hommes (diapositive 21)

Compte tenu de tout ce que nous venons de voir, nous en sommes venus, pour notre dernier rapport actuariel, à l’hypothèse sous-jacente selon laquelle la mortalité continuera de s’améliorer, quoiqu’à un rythme moindre. Nous avons fixé le taux ultime d’amélioration de la mortalité à 0,8 %.

Ce graphique montre les taux d’amélioration historiques et projetés sur une moyenne de 15 ans pour les hommes.

On voit que ce taux ralentit depuis 2011, ce qui a été constaté dans de nombreux pays. La tendance est la même pour les femmes, mais avec des taux plus faibles.

Les taux d’amélioration de la mortalité des 15 dernières années sont graduellement amenés vers leurs valeurs ultimes prévues dans 20 ans, après quoi ils demeureront à 0,8 %, soit les mêmes valeurs que dans le RPC27.

Hypothèse du RPC30 : la mortalité continuera de s’améliorer, mais à un rythme plus lent – Taux d’amélioration de la mortalité historiques et projetés – Femmes (diapositive 22)

La même chose peut être observée chez les femmes. On suppose par ailleurs que l’écart entre les taux de mortalité des hommes et des femmes continuera de diminuer. Nous prévoyons également que les taux de mortalité des hommes continueront d’être plus élevés que ceux des femmes, donc que les femmes continueront à vivre plus longtemps que les hommes.

RPC30 – Taux annuels d’amélioration de la mortalité (diapositive 23)

On voit ici les taux présumés d’amélioration de la mortalité au point de départ, pour la période de transition et à la fin du processus pour les différents groupes d’âge. Les taux ultimes sont fixés à 0,8 % en 2035 pour tous les âges inférieurs à 90 ans, à 0,5 % pour les 90 à 94 ans et à 0,2 % pour les 95 ans et plus.

Donc, pourquoi 0,8 %? Reprenons ce que nous avons vu jusqu’ici : dans les données historiques des 90 dernières années, on constate une amélioration pour les 65 ans et plus (1,0 %) et pour les 85 ans et plus (0,7 %). Plus récemment, les données compilées tant sur la population canadienne en général que sur les bénéficiaires de la SV ont affiché une tendance à la baisse de l’amélioration du taux de mortalité, surtout pour les cinq dernières années. Par ailleurs, nous avons constaté un ralentissement des améliorations relatives à certaines causes de décès, surtout dans le cas des maladies coronariennes.

Pour ce qui est de l’avenir, les facteurs futurs de longévité ont été étudiés, quoiqu’il soit impossible de quantifier l’effet de chaque facteur sur les taux d’amélioration de la mortalité futurs. La liste de ces facteurs pourrait être longue, et pourrait englober, par exemple, des progrès de la médecine, des changements environnementaux, de l’évolution des modes de vie, de l’avènement de nouvelles maladies, de l’accessibilité aux soins de santé et aux soins de longue durée et de leur qualité, etc. Il est néanmoins peu probable qu’on reproduise les mêmes taux d’amélioration de la mortalité que dans le passé étant donné les « gains faciles » déjà réalisés et les nouvelles causes de décès, qui sont plus difficiles à faire reculer (diabète, cancer), comme on l’a vu dans les graphiques précédents. D’ailleurs, mentionnons qu’une grande part des progrès passés s’explique par la réduction de la mortalité attribuable aux maladies coronariennes. Toutefois, cette réduction est de moins en moins prononcée depuis dix ans. En revanche, de multiples facteurs non négligeables entravent l’amélioration des taux de mortalité futurs, comme la résistance accrue aux médicaments, les pandémies comme celle de la COVID-19, les catastrophes naturelles et causées par l’homme et le vieillissement de la population, de même que la pression que mettent ces facteurs sur la qualité des soins de santé et des soins de longue durée et sur l’accessibilité à ceux-ci. Les inégalités de revenu et les modes de vie sont d’autres facteurs difficiles à prédire.

Par conséquent, sur la base des données du passé et d’une analyse de facteurs futurs, nous avons posé comme hypothèse que les taux d’amélioration de la mortalité ultimes reviendraient à 0,8 %, valeur voisine de la moyenne à long terme.

RPC – Évolution des projections de mortalité sur 7 rapports actuariels – Espérance de vie des hommes de 65 ans au Canada (diapositive 24)

À partir de nos hypothèses sur les taux d’amélioration de la mortalité, nous pouvons faire une projection de l’espérance de vie de la cohorte. Ce graphique montre donc l’espérance de vie des hommes canadiens de 65 ans selon les hypothèses employées dans nos rapports actuariels sur le Régime de pensions du Canada. Chaque ligne représente la projection basée sur les hypothèses de mortalité du rapport correspondant.

Comme vous le voyez, nos hypothèses de mortalité sont toujours nettement inférieures à celles du rapport suivant. C’est en 2012 que cette tendance s’estompe.

Dans le 30e rapport, on constate une légère diminution de l’espérance de vie à court terme comparativement au 27e rapport, mais à long terme, les projections sont les mêmes.

En 2000, nous avions prévu qu’en 2019, l’espérance de vie de la cohorte d’hommes de 65 ans serait de 18,3 ans. En 2018, cette projection se chiffrait plutôt 21,4 ans, soit 3,1 ans de plus. On prévoit que ce sera 23,3 ans en 2050.

RPC – Évolution des projections de mortalité sur 7 rapports actuariels – Espérance de vie des femmes de 65 ans au Canada (diapositive 25)

Le portrait est à peu près le même pour les femmes.

En 2000, nous avions prévu qu’en 2019, l’espérance de vie de la cohorte des femmes de 65 ans serait de 21,5 ans. En 2018, cette projection avait augmenté de 2,4 ans pour passer à 23,9 ans. On la projette à 25,6 ans en 2050 (soit 2,3 années de plus que les hommes).

Effet relatif des différentes hypothèses de mortalité sur le taux de cotisation minimal du RPC de base (diapositive 26)

Nous consacrons beaucoup de temps et de travail à l’élaboration des hypothèses de mortalité, mais celles-ci demeurent des hypothèses et non des prédictions. C’est pourquoi il importe de quantifier les effets d’autres hypothèses de mortalité sur le coût des régimes de sécurité sociale. Pour ce faire, nous procédons à des analyses de sensibilité.

Comme on le voit sur la diapositive, si on double le taux présumé de mortalité final, le coût du régime de base augmente de 3 %. En revanche, si on suppose dès maintenant qu’il n’y aura aucune amélioration de la mortalité, le coût du régime diminue de 7 %. Le dernier test indique le coût des améliorations futures de la mortalité pour le RPC.

Maintenant que nous avons vu les hypothèses de mortalité finales pour le RPC30, Christine vous parlera de l’incidence de la COVID-19 sur les projections de mortalité.

COVID-19 : parmi les principales causes de décès en 2020 (diapositive 27)

Quand on compare le nombre de décès attribuables à la COVID-19 en 2020 aux principales causes de décès en 2019, on constate que la COVID-19 constituera une cause majeure de décès en 2020 une fois que les chiffres à ce sujet auront été compilés et publiés par Statistique Canada.

Comme le montre le graphique, on a dénombré 15 600 décès causés par la COVID-19 en 2020. En 2019, les troisième, quatrième et cinquième principales causes de décès ont été moins mortelles.

Incidence de la COVID-19 – Surmortalité au Canada (diapositive 28)

Statistique Canada publie des données provisoires hebdomadaires sur le nombre ajusté de décès au Canada en 2020 et sur la surmortalité.

Le graphique sur cette diapositive montre le nombre prévu et réel de décès par semaine en 2020 selon les données et les méthodes de Statistique Canada. La ligne orange montre les décès prévus, et la ligne bleue, les chiffres réels. Les deux lignes pointillées montrent la marge d’erreur des prévisions selon la méthode de Statistique Canada.

Le graphique montre un certain nombre de choses.

  • Premièrement, le nombre réel de décès, bien qu’à l’intérieur de l’intervalle de prévision, était plus bas que ce qui était prévu avant l’arrivée de la pandémie. On peut en déduire que, n’eût été la COVID, 2020 aurait pu être une bonne année au chapitre des taux d’amélioration de la mortalité.
  • Deuxièmement – et c’est le plus évident –, on constate un pic de décès attribuable à la première vague de la pandémie. Pendant les 12 semaines séparant le 31 mars du 12 juin, on dénombre ainsi environ 8 600 décès en surnombre, dont 50 % sont survenus au Québec.
  • Troisièmement, le nombre réel de décès après la première vague, bien qu’à l’intérieur de l’intervalle de prévision, s’est avéré plus élevé que prévu. Durant les 21 semaines séparant le 13 juin du 6 novembre, on a dénombré environ 4 900 décès en surnombre, dont seulement 10 % au Québec. La surmortalité a bondi dans les Prairies et en Colombie-Britannique, ce qui s’explique fort probablement par une combinaison de la mortalité causée par la COVID-19 et des surdoses résultant de l’aggravation de la crise des opioïdes.
  • Bien qu’on manque de données pour mesurer toute l’incidence de la deuxième vague, elle s’est révélée moins mortelle que la première.
  • Selon l’analyse de surmortalité de Statistique Canada, les décès de 2020, jusqu’au 31 octobre, sont environ 5 % plus élevés que les prévisions. Il nous faudra des renseignements plus exhaustifs par âge et par sexe pour la totalité de l’année afin d’évaluer l’incidence sur l’espérance de vie en 2020. Cela dit, une augmentation uniforme des taux de mortalité par âge en 2019 se traduirait par une diminution de l’espérance de vie d’environ 0,5 an pour les hommes et les femmes.

Les statistiques globales ne disent pas tout (diapositive 29)

Comme nous l’avons mentionné, les situations extrêmes comme la pandémie en cours peuvent influer sur les écarts d’espérance de vie liés à la situation socioéconomique. Pour établir les hypothèses de mortalité, il est important de surveiller cet écart et de savoir s’il est temporaire ou permanent, surtout que les programmes de sécurité sociale couvrent une population vaste et diversifiée.

Or, les statistiques globales qui figurent dans les diapositives précédentes ne nous disent pas grand-chose sur les disparités entre les différents segments de la population quant à savoir lesquels sont le plus susceptibles de contracter le virus, de développer des complications, ou d’y succomber.

Les données et les recherches sur cette question en sont encore aux étapes préliminaires. On constate toutefois d’ores et déjà que certains groupes semblent plus vulnérables que d’autres.

Certains de ces groupes sont connus depuis le début de la pandémie, comme les personnes âgées et celles ayant des comorbidités. Au Québec, on a vite constaté aussi que les personnes âgées hébergées dans des résidences de soins de longue durée étaient considérées comme étant à risque très élevé.

Avec l’évolution de la pandémie et la production de nouvelles données, on décèle d’autres groupes à risque : ainsi, la situation socioéconomique et l’ethnicité joueraient un rôle dans les taux de mortalité attribuable à la COVID-19.

Des taux de mortalité plus élevés à court terme (diapositive 30)

Pour le moment, une chose est sûre : les taux de mortalité à court terme (soit pour 2020 et fort probablement, pour 2021), seront plus élevés que prévu et que dans le proche passé. On ne dispose pas encore de toutes les données pour mesurer facilement les effets de la pandémie sur l’espérance de vie de 2020, mais certains pays ont mené des recherches préliminaires. Par exemple, aux États-Unis, une étude récente fait état d’une réduction potentielle de l’espérance de vie à la naissance de 1,1 an en 2020, la réduction estimée pour les Noirs et les Hispaniques étant de trois à quatre fois celle des Blancs. Les études récentes au Royaume-Uni, pour leur part, font état d’une réduction potentielle de l’espérance de vie à la naissance de 0,9 an pour les femmes et de 1,2 an pour les hommes. Je n’ai toujours pas trouvé d’étude canadienne au sujet de l’incidence de la pandémie sur l’espérance de vie en 2020. Toutefois, selon la surmortalité évaluée par Statistique Canada, il semble que les effets de la pandémie seront moins prononcés que ce qui a été estimé dans les recherches de ces deux pays.

L’incidence sur la mortalité pour 2021 est encore grandement incertaine et dépendra de nombreux facteurs. Le déroulement de la vaccination au Canada jouera un rôle majeur. Comme vous le savez, la vaccination au Canada est passablement en retard sur son programme pour le moment. Le gouvernement nous assure qu’il pourra rattraper le temps perdu, mais cela reste à voir. Il y a aussi d’autres facteurs, comme l’évolution de la deuxième vague, toujours en cours, sans parler des autres vagues éventuelles. Nous avons vu que, pour le moment, la deuxième vague s’avérait moins mortelle que la première au Canada, mais le vent pourrait tourner rapidement, surtout compte tenu de l’arrivée des variants. L’action gouvernementale sera elle aussi cruciale. Les pouvoirs publics veulent freiner la propagation du virus, laisser l’économie rouler et les écoles ouvertes et préserver la santé mentale de la population : il leur faut trouver l’équilibre délicat entre ces facteurs. Les mesures qu’ils prendront au cours des prochains mois ou de la prochaine année influeront sur la propagation du virus. La mesure dans laquelle la population est prête à suivre les directives de la santé publique s’est aussi révélée un facteur au cours de la deuxième vague, et le demeurera tout au long de la vaccination. Alors que durant la première vague, le virus s’est surtout propagé dans les résidences de soins de longue durée et chez les aînés, on constate que durant la deuxième vague, il s’attaque davantage aux plus jeunes et passe davantage par les rassemblements publics et privés.

Croissance de l’incertitude à long terme (diapositive 31)

Au-delà des effets à court terme sur l’espérance de vie, l’incertitude est encore plus grande. Si on s’en tient aux conséquences directes de la pandémie, et j’entends par là le pic de décès dus à la COVID-19, l’incidence sur l’espérance de vie par cohorte dépendra de l’espérance de vie sous-jacente des personnes décédées de la COVID-19 comparativement au reste de la population. Autrement dit, si les personnes décédées dans la première vague avaient déjà une espérance de vie courte en raison de leurs fragilités et comorbidités, l’effet de la pandémie sur leur cohorte restera négligeable. C’est ce qu’on appelle « l’effet de récolte », situation dans laquelle une période de surmortalité est immédiatement compensée par une réduction subséquente de la mortalité. Bien qu’il soit encore trop tôt pour se prononcer globalement sur l’effet de récolte, précisons qu’il n’y en a pas eu au Québec dans l’été qui a suivi la première vague, pourtant très violente dans cette province. En fait, on a même constaté un surnombre de décès en été au Québec.

Outre les conséquences directes de la pandémie, on ne saurait sous-estimer ses conséquences indirectes. Reports de chirurgies et de traitements, effets à long terme inconnus sur la santé des survivants de la COVID-19, incidence de l’isolement social et des pertes d’emploi sur la santé mentale sont autant de facteurs susceptibles d’augmenter les taux de mortalité futurs. En revanche, les changements de comportement tels que la distanciation, l’hygiène des mains, le port du masque et la vaccination pourraient avoir l’effet inverse s’ils se maintiennent. Quant aux progrès de la médecine, bien qu’ils aient été retardés en ce qui concerne certaines maladies, le travail acharné consacré à la recherche d’un vaccin contre la COVID-19 pourrait déboucher sur des découvertes touchant d’autres maladies.

Il est encore trop tôt pour se prononcer avec certitude sur les effets qu’aura la pandémie sur les taux de mortalité à court et à long terme. Il faudra attendre des années. D’ici là, les actuaires et les démographes s’amuseront comme des petits fous à compiler et analyser les données qui leur permettront de mieux comprendre ces effets sur les tendances de mortalité à venir.

Conclusion (diapositive 32)

Pour conclure, disons qu’on s’attend à ce que la progression de la longévité chez les personnes plus âgées continue d’accentuer la pression financière qui pèse sur les programmes qui leur sont destinés.

La courbe future de la mortalité est loin d’être certaine.

Pour établir des hypothèses de mortalité, il nous faut comprendre le passé, mais il importe encore plus de regarder vers l’avenir.

Il faudra redoubler de prudence et multiplier les analyses pour tenir compte de la pandémie dans les prochaines hypothèses de mortalité, surtout si le point de départ des taux de mortalité est 2020 ou 2021.

Merci de votre attention. Si vous avez des questions, je me ferai un plaisir d’y répondre.