Ce que nous avons appris : Consultations sur la méthode envisagée pour l’exercice normalisé d’analyse de scénarios climatiques

Introduction

Contexte

Pour renforcer leur résilience face aux risques climatiques, les institutions financières fédérales (IFF) doivent tenir compte des vulnérabilités que comportent leurs modèles d’affaires, leurs activités et, ultimement, leur bilan. Il leur faut donc adopter des approches prospectives qui sont globales, intégrées et fondées sur des données empiriques fiables et des analyses solides.

À cette fin, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) élabore un exercice normalisé d’analyse de scénarios climatiques (ENASC) que les IFF devront réaliser d’ici à la fin de 2024. L’ENASC vise à assurer la rigueur de la gestion du risque climatique, ce qui aide le BSIF à inciter les IFF à se doter de politiques et procédures pour encadrer et gérer les risques financiers.

Processus de consultation publique – Partie I

Le 16 octobre 2023, le BSIF a publié une version à l’étude de l’ENASCExercice normalisé d’analyse de scénarios climatiques – Version à l’étude pour consultation. Il en a profité pour lancer la première étape d’une consultation en deux étapes dans le but de peaufiner l’exercice, d’en assurer la mise en œuvre efficace et de l’exécuter en 2024.

La première partie de la consultation s’est terminée le 22 décembre 2023. Au cours du processus, le BSIF a organisé une séance d’information virtuelle à laquelle ont assisté plus de 1 000 participants. Ces derniers ont eu la possibilité d’envoyer leurs questions à l’avance puis en direct (pendant la période de questions). À l’issue du processus de consultation, le BSIF a reçu trente-neuf réponses émanant d’un large éventail d’organisations, dont des IFF, des groupes sectoriels, des organismes de recherche, des cabinets d’experts-conseils et des partenaires gouvernementaux. Ces réponses contenaient des observations techniques, des questions et des suggestions réfléchies et perspicaces. Ces types de commentaires sont très utiles et ont conduit à des révisions de la méthode de l’ENASC.

Ce document résume les commentaires reçus dans le cadre de la première partie de la consultation sur l’ENASC.

Processus de consultation publique – Partie II

La deuxième partie du processus de consultation, qui donne suite à la rétroaction reçue durant la première étape, se déroulera du 11 avril au 7 juin 2024. Le BSIF a publié trois documents pour cette deuxième étape :

Au cours de la deuxième partie du processus de consultation, le BSIF prévoit d’organiser une autre séance d’information, qui aura lieu le 2 mai 2024.

Commentaires reçus dans le cadre de la consultation

Les commentaires reçus au sujet de la méthode envisagée pour l’ENASC s’articulent autour de huit grands thèmes. Ceux-ci reflètent généralement les points de vue exprimés dans de nombreuses interventions.

1. Les initiatives du BSIF en matière de risque climatique, les travaux d’analyse de scénarios climatiques et les objectifs de l’ENASC bénéficient d’un soutien généralisé

La plupart des commentaires reçus appuient les initiatives du BSIF en matière de risque climatique, y compris la ligne directrice B-15, les relevés sur les risques climatiques et l’ENASC. Parmi les quelques personnes qui ne sont pas favorables à ces mesures, certaines estiment que les risques climatiques ne sont pas importants ou qu’ils ne relèvent pas du mandat du BSIF. D’autres considèrent que les risques climatiques sont une menace existentielle et déclarent que le BSIF devrait en faire davantage pour lutter contre les changements climatiques.

Les commentaires favorables approuvent généralement les objectifs et l’approche globale du BSIF dans le cadre de l’ENASC. Un bon nombre d’entre eux comprennent des suggestions constructives concernant la mise en œuvre de l’ENASC. Celles-ci sont abordées dans d’autres thèmes du présent document.

2. L’ENASC nécessitera énormément de ressources de la part des IFF – Les échéanciers devraient être reportés, le champ d’application de l’ENASC devrait être réduit et/ou l’ENASC devrait être simplifié

Les commentaires relatifs aux ressources que devront mobiliser les IFF sont généralement axés sur les efforts nécessaires pour travailler à l’aide de données géospatiales. D’autres préoccupations concernent les difficultés liées au géocodage (c’est-à-dire la recherche des coordonnées de latitude et de longitude pour une adresse donnée) des actifs garantis, l’accent étant mis sur le géocodage multipoint plus complexe. En outre, certaines observations indiquent que des ressources importantes seraient nécessaires pour cartographier les expositions selon les codes du Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN), en mettant l’accent sur les contreparties actives dans plusieurs secteurs d’activité.

Afin de donner suite aux préoccupations concernant les besoins en ressources, certains commentaires incluent des suggestions, notamment :

  • reporter la date d’échéance de l’ENASC à 2025;
  • exempter les petites IFF de la réalisation de certains modules de l’ENASC;
  • clarifier et limiter le champ d’application de l’ENASC, par exemple en réduisant le nombre de catégories d’actifs concernées;
  • simplifier l’ENASC, par exemple, en fournissant aux IFF des données sur le risque physique à partir d’un code postal.

Réponse du BSIF

Le BSIF est conscient des ressources dont les IFF ont besoin pour mener à bien l’ENASC, surtout si l’on considère le caractère embryonnaire de la mesure des risques climatiques et de l’analyse des scénarios climatiques. Pour cette raison, il a décidé de ne pas fixer d’attentes spécifiques à l’endroit des IFF afin qu’elles élaborent ou utilisent leurs propres modèles de risques climatiques pour l’ENASC, compte tenu des ressources considérables nécessaires à cette fin.

Le BSIF ne reverra pas l’échéancier de l’ENASC. Toutefois, il s’est efforcé d’aider les IFF à le respecter, en leur fournissant des renseignements dans la version révisée de la méthode envisagée pour l’ENASC et dans la version à l’étude des instructions de l’ENASC, ce qui leur permettra de commencer les travaux de  classification sectorielle et de géocodage avant la publication de la version finale de l’ENASC, plus tard en 2024. En outre, le BSIF a mis à jour le module sur le risque physique afin de permettre aux IFF d’utiliser des simplifications et des approximations, le cas échéant, pour les actifs qui nécessiteraient autrement du géocodage multipoint complexe. Il a également inclus une correspondance détaillée entre les codes SCIAN et les secteurs de l’ENASC dans la version à l’étude des instructions de l’ENASC. Le BSIF a également introduit un seuil d’importance relative qui peut aider les IFF à gérer les ressources nécessaires à la réalisation de l’ENASC.

3. Des clarifications et des précisions sont nécessaires dans tous les modules de l’ENASC pour que les IFF puissent mener à bien l’exercice

Presque tous les commentaires font état d’un besoin de clarification ou de complément d’information, y compris :

  • des clarifications concernant les actifs et les passifs qui entrent dans le champ d’application de l’ENASC, en particulier pour les assureurs;
  • les attentes en matière de mise en correspondance des expositions avec les codes SCIAN;
  • des clarifications sur l’approche à l’égard du bilan et l’application du module sur le risque de crédit, notamment à l’aide d’exemples illustrant la mise en œuvre de l’ENASC;
  • les attentes en matière de géocodage et la question de savoir quelles données sur le risque physique seront fournies;
  • la manière dont le BSIF calculera les ajustements financiers au regard des modules sur le risque de crédit et le risque de marché découlant du risque de transition.

Réponse du BSIF

Le BSIF a révisé la méthode envisagée pour l’ENASC et intégré des informations dans la version à l’étude des instructions de l’ENASC à des fins de clarification. Voici quelques exemples :

  • Il a inclus davantage d’informations sur le champ d’application des actifs, en particulier pour les assureurs.
  • Il a inclus les mises en correspondance des secteurs et des régions dans la version à l’étude des instructions de l’ENASC.
  • Il a ajouté des exemples illustratifs dans les instructions de l’ENASC.
  • Il a fourni des renseignements sur les aléas et les régions dans le module sur le risque physique.

Le BSIF n’a pas précisé la manière dont les ajustements financiers seront déterminés dans la partie II du processus de consultation. Il prévoit de publier les ajustements financiers lorsque l’ENASC sera finalisé, plus tard en 2024. Le BSIF inclura également des renseignements sur la manière dont les ajustements ont été calculés dans le rapport final sur l’ENASC, qui sera publié en 2025.

4. L’ENASC devrait tenir compte de la proportionnalité en prévoyant des exemptions ou des seuils d’importance relative

De nombreux commentaires suggèrent que les petites et moyennes banques ou que les assureurs nationaux pourraient être dispensés de réaliser le module sur le risque de marché. Certains ont également proposé des seuils d’importance relative fondés sur les montants de l’exposition.

Réponse du BSIF

Le BSIF a conçu l’ENASC pour encourager toutes les institutions, y compris les institutions de moindre envergure et les institutions nationales, à renforcer leurs capacités de mesure des risques climatiques et d’analyse de scénarios. Il a introduit des seuils d’importance relative dans les modules sur le risque de crédit et le risque de marché découlant du risque de transition en gardant ces commentaires à l’esprit. Seules les IFF dont l’actif total s’élève à plus de 100 milliards de dollars au T4 de 2023 sont tenues d’effectuer les modules sur le risque de marché. Il a également précisé que les actifs évalués à la juste valeur par le biais du résultat net (JVRN) n’entrent pas dans le champ d’application du module sur le risque de crédit.

5. L’ENASC présente plusieurs limites qu’il convient de prendre en compte

La plupart des commentaires font état d’au moins une limite de l’ENASC et, dans certains cas, suggèrent que ces limites soient prises en compte avant que l’on publie la version finale de l’ENASC. En voici quelques-unes :

  • l’absence des effets de deuxième ordre des risques de transition ou des risques physiques liés aux changements climatiques;
  • le fait que l’ENASC ne tient pas compte des risques de liquidité ou des risques opérationnels;
  • les limites relatives aux modèles climatiques;
  • l’hypothèse d’une hétérogénéité sectorielle et régionale pour les risques de transition;
  • l’absence d’une évaluation quantitative complète de l’incidence des couvertures dans le module sur le risque de marché;
  • le fait que l’ENASC ne prend pas en compte les risques physiques à l’extérieur du Canada;
  • l’exclusion des prêts non garantis pour les risques physiques.

Réponse du BSIF

Le BSIF reconnaît que l’ENASC a des limites. Il a révisé la méthode envisagée pour l’ENASC afin d’inclure les limites relevées par les participants qui n’avaient pas été prises en compte dans la première version. Étant donné la nature fondamentale de l’ENASC, le BSIF restera attentif à ses limites lors de l’interprétation et de la présentation des résultats.

6. Il faut reconsidérer les éléments descriptifs des scénarios de l’ENASC

Selon certains commentaires, quelques-uns des scénarios climatiques sont irréalistes, trop graves ou pas suffisamment graves. D’autres suggèrent d’inclure moins de scénarios climatiques dans l’ENASC et/ou d’en raccourcir les horizons temporels.

Réponse du BSIF

Les avis divergent quant à la probabilité qu’un scénario climatique se produise réellement. Les scénarios de l’ENASC ne sont pas des prédictions.

En ce qui concerne le risque de transition, le BSIF a supprimé le scénario Politiques actuelles de la méthode envisagée pour l’ENASC et conservé les trois autres scénarios climatiques (qui seront évalués par rapport à un scénario de référence). Il estime qu’il est utile de disposer de résultats pour le scénario Carboneutralité en 2050, étant donné qu’il s’agit du scénario de risque de transition le plus grave. De même, il semble pertinent de disposer de résultats pour les scénarios Intervention immédiate et Intervention différée. Ensemble, ils permettent de mieux comprendre le coût d’une intervention tardive.

Le BSIF a, dans une certaine mesure, simplifié le module sur le risque physique en n’incluant que deux aléas : les inondations et les feux de forêt. Pour chacun d’eux, il prévoit d’inclure un indicateur prospectif fondé sur un scénario climatique et un indicateur qui tient compte des valeurs annuelles moyennes. Le BSIF a révisé la méthode envisagée pour l’ENASC pour refléter ces changements.

7. Le BSIF devrait prescrire une approche pour la mise en correspondance des expositions avec les codes SCIAN et établir une correspondance entre les autres codes de classification sectoriels et ceux utilisés pour l’ENASC

Certaines observations laissent entendre que le BSIF parviendrait à une meilleure normalisation en prescrivant une méthode de mise en correspondance des expositions des institutions avec les codes SCIAN, au lieu de laisser ces dernières élaborer leur propre approche. Par ailleurs, des commentaires relèvent aussi la difficulté liée à la mise en correspondance de contreparties complexes qui interviennent dans de nombreux secteurs d’activité.

D’autres remarques soulignent que certaines IFF peuvent utiliser des systèmes de classification sectorielle différents et qu’il peut être compliqué de mettre en correspondance les expositions aux secteurs de l’ENASC en utilisant les codes SCIAN.

Réponse du BSIF

L’un des objectifs de l’ENASC est de promouvoir le renforcement des capacités des IFF à mesurer les risques climatiques et à réaliser des analyses de scénarios climatiques. Dans certains cas, cet objectif n’est pas compatible avec l’objectif de normalisation de l’ENASC. En ce qui concerne la mise en correspondance des expositions aux secteurs, le BSIF a choisi de moins normaliser et de s’appuyer sur l’expertise des IFF et sur la connaissance de leurs propres expositions.

Le BSIF ne fournira pas de correspondance avec les codes d’autres systèmes de classification sectoriels. Il choisit d’établir des correspondances avec les codes SCIAN pour les raisons suivantes :

  1. Statistique Canada et le Census Bureau des États-Unis gèrent les codes SCIAN et les mettent fréquemment à jour pour s’assurer qu’ils demeurent pertinents et appropriés. Les codes sont mis à la disposition du public gratuitement, et s’accompagnent de descriptions détaillées et d’informations techniques qui facilitent leur utilisation.
  2. Bien que les codes SCIAN du Canada et des États-Unis soient mis à jour par les organismes nationaux respectifs, ils sont coordonnés et normalisés dans les deux systèmes. La normalisation des codes SCIAN a permis au BSIF d’élaborer la correspondance sectorielle de l’ENASC, qui fonctionne à la fois dans le système canadien et américain. Par conséquent, la correspondance avec les codes SCIAN sera accessible aux participants qui ont utilisé l’un ou l’autre de ces deux systèmes.
  3. D’autres systèmes de classification, tels que le Global Industry Classification System (GICS), ne sont pas aussi précis que le SCIAN, en particulier dans les secteurs clés sensibles à la transition. Par exemple, le GICS ne sépare pas le pétrole du gaz. Le niveau de détail du système de classification est important étant donné l’utilisation qu’en font les secteurs d’activité pour déterminer les ajustements au titre du risque financier.

Néanmoins, le BSIF a révisé la méthode envisagée pour l’ENASC de sorte que les IFF qui utilisent d’autres systèmes de classification sectoriels pour mettre en correspondance leurs expositions soient autorisées à créer leur propre méthode de mise en correspondance avec les secteurs de l’ENASC. La méthode envisagée pour l’ENASC comprend également la méthode de mise en correspondance des secteurs de l’ENASC avec les codes SCIAN, méthode qui pourrait être adoptée par les IFF préférant concevoir leurs correspondances internes. On s’attend à ce que les IFF qui choisissent cette option fournissent la documentation de leur mise en correspondance de même que le résultat de l’exercice.

8. Le module sur le risque de marché devrait s’arrimer aux autres évaluations du risque de marché

Certains commentaires notent que l’approche proposée dans le module sur le risque de marché pour calculer la valeur actualisée d’une obligation de société en se fondant sur les flux de trésorerie est difficile à mettre en œuvre sur le plan opérationnel et qu’elle ne cadre pas avec l’approche de l’examen fondamental du portefeuille de négociation du Comité de Bâle, qui n’est désormais plus fondée sur les flux de trésorerie, mais sur la sensibilité. En outre, certains commentaires soulignent que l’approche proposée dans le module sur le risque de marché pour déterminer les écarts de taux applicables aux obligations s’appuie sur les chocs du module sur le risque de crédit et, par conséquent, ne tient pas compte de l’ensemble des risques de marché négocié.

Ces observations indiquent aussi que le module sur le risque de marché ne reflète pas l’incidence des couvertures et recommandent qu’il soit ajusté.

Réponse du BSIF

Le BSIF a apporté une modification substantielle au module sur le risque de marché de la méthode envisagée pour l’ENASC afin d’y intégrer une approche fondée sur la sensibilité. Il est également passé à une approche fondée sur les chocs instantanés pour déterminer les chocs sur écarts de taux applicables aux obligations. Il pense que le module révisé sur le risque de marché est mieux harmonisé avec les pratiques actuelles de mesure du risque et qu’il permettra une meilleure évaluation des risques liés à la transition climatique du marché.

Le BSIF n’a pas intégré les couvertures dans les données numériques de base de la section sur le risque de marché du classeur de l’ENASC. Toutefois, les IFF peuvent fournir au BSIF, dans le cadre de l’ENASC, un classeur supplémentaire qui intègre les couvertures de juste valeur. Il prévoit d’intégrer des questions relatives aux couvertures dans le questionnaire de la version finale de l’ENASC et reconnaît qu’il s’agit là d’une limite de l’exercice. Seules les IFF dont l’actif total s’élève à plus de 100 milliards de dollars au T4 de 2023 sont tenues d’effectuer les modules sur le risque de marché.