Communication du surintendant auxiliaire Ben Gully lors de la table ronde à l’Institut C.D. Howe par webdiffusion, le 28 janvier 2021
Discours -
Nous vivons dans un monde où, même devant des faits établis, les gens ne voient pas tous les mêmes risques. C’est un fait : les humains influencent le climat. Toutefois, ce fait suscite toutes sortes de réactions, allant de « ce n’est pas un problème » à « agissons dès maintenant » en passant par « il est déjà trop tard ».
L’un des problèmes quand il s’agit de changements climatiques, c’est que, même avec des définitions universelles et un plan commun vers un avenir sobre en carbone, reste à savoir quelles seront les répercussions des mesures sur l’économie en général, et dans combien de temps elles se manifesteront.
Le BSIF doit donc tenir compte d’un large éventail de scénarios possibles pour évaluer les effets des changements climatiques sur la sûreté et la stabilité des institutions financières et déterminer les interventions prudentielles qui s’imposent.
Si un changement se profile à l’horizon, le BSIF en examine les conséquences graves, mais plausibles en recueillant de l’information pour orienter l’analyse et l’évaluation des risques, puis mise sur la réglementation et la surveillance afin de préserver la résilience des institutions financières.
Par définition, une saine gestion des risques climatiques cadre clairement avec les objectifs du BSIF. Par conséquent, nous avons entrepris un certain nombre d’initiatives pour examiner de plus près les répercussions prudentielles des changements climatiques relativement aux risques matériels, de responsabilité et d’adaptation.
Les risques d’adaptation pèsent lourdement sur le Canada vu l’abondance des produits de base à intensité carbonique et le rôle de ceux-ci au sein de l’économie du pays. C’est pourquoi j’expliquerai ce que nous faisons pour mieux comprendre et gérer ces risques d’un point de vue prudentiel.
Travaux internationaux et document de travail
Permettez-moi d’abord d’admettre que nous n’avons pas toutes les réponses. La poursuite de notre mission passe en partie par la coopération avec d’autres organismes, canadiens et internationaux. Notre collaboration avec eux nous aide à mieux comprendre les mesures qui pourraient s’appliquer au contexte canadien.
Nous savons aussi que l’expertise financière n’est pas suffisante pour arriver aux meilleures conclusions possible. C’est dans cette optique que le BSIF a publié un document de travail sur les risques climatiques plus tôt ce mois-ci. Je n’en parlerai pas davantage aujourd’hui, mais j’espère que vous le lirez et envisagerez de nous faire profiter de votre propre expertise.
Données et décisions
Il est évident que les risques climatiques peuvent devenir des priorités prudentielles de nombreuses façons. Aux traditionnels risques de crédit, risques de marché et risques opérationnels s’ajoutent les risques de réputation découlant de l’intérêt plus marqué du public concernant les attentes liées aux pratiques environnementales, sociales ou de gouvernance. Il faut tenir compte des interactions entre tous ces éléments. Fermer les yeux sur ces tendances ne nous apportera que des résultats médiocres.
Pour arriver à de bons résultats d’un point de vue prudentiel, il nous faut des données de qualité. Elles permettent de meilleures analyses des scénarios possibles et nous donnent plus de chances de concevoir des stratégies de gestion des risques crédibles. Des divulgations publiques cohérentes et crédibles sont également importantes, mais si notre travail peut favoriser l’amélioration des divulgations, notre priorité demeure le maintien d’une gestion des risques efficace au sein des institutions que nous encadrons.
Nous examinons les pratiques existantes, faisons nos devoirs et contribuons à préciser les attentes en ce qui concerne la saine gestion des risques. De plus, en obtenant les données et l’information dont nous avons besoin, nous pourrons prendre les meilleures décisions qui soient. Voilà pourquoi nous menons actuellement un projet pilote avec la Banque du Canada.
Projet pilote
Le projet pilote vise à élargir nos capacités analytiques grâce à l’analyse de scénarios de risques climatiques. Il donnera aussi l’occasion aux institutions participantes de mieux cerner leurs propres risques.
Ce travail souligne le fait que nous devons concevoir des méthodes d’évaluation des risques et repérer les données de qualité afin d’évaluer de façon fiable les risques prudentiels que présentent les changements climatiques. Plus encore, en investissant maintenant dans nos capacités analytiques, nous développerons une compréhension commune des différents résultats potentiels, ce qui nous permettra : 1) d’établir les politiques prudentielles qui s’imposent; et 2) d’améliorer l’encadrement des institutions financières.
Il nous reste quelques étapes à franchir avant de pouvoir évaluer avec confiance les effets financiers des différents scénarios de transition.
D’abord, nous devrons créer une série de scénarios macroéconomiques en ce qui concerne les changements climatiques pour le Canada, suffisamment détaillés pour inclure à la fois l’exposition sectorielle et individuelle des institutions.
Puis, nous devons définir les différents risques financiers (risque de crédit, risque de marché, risque de liquidité, etc.) pertinents dans le cadre des scénarios créés.
Enfin, il nous faut mettre au point des approches et des méthodes reproductibles et uniformes afin d’évaluer les effets financiers. Par exemple, les effets de l’évaluation des actifs ou des changements aux risques de crédit des entreprises et des ménages sur les portefeuilles de prêts des banques. De plus, nous avons besoin que les institutions financières intègrent ces approches et méthodes dans leur propre gestion des risques.
Le BSIF et la Banque du Canada ont déjà entamé la création d’une série de scénarios de transition propres au Canada et l’élaboration de méthodes et d’indicateurs d’évaluation des effets financiers. Nous visons à terminer cette étape durant la première moitié de 2021. Ensuite, d’ici la deuxième moitié de l’année, les institutions participantes pourront examiner les expositions potentielles aux risques qui figurent à leur bilan au moyen de ces scénarios.
Vers la fin de 2021, la Banque du Canada et le BSIF publieront un rapport faisant état des scénarios analysés, des méthodes employées, des hypothèses utilisées et des principales sensibilités relevées. En transmettant ces renseignements, nous établirons un contexte favorisant l’adoption de saines pratiques d’évaluation des risques, qui pourront ensuite servir à orienter l’évolution des exigences réglementaires. Bref, de meilleures données produiront de meilleurs résultats.
Tout au long de l’année, nous dévoilerons différents éléments du projet pilote, dont les scénarios et les méthodes employés. Nous profiterons aussi de ces occasions pour recueillir les commentaires de participants sur les difficultés qu’ils auront peut-être rencontrées au moment d’adopter la nouvelle approche.
Dans le cadre du projet, nous recueillerons également des renseignements sur les pratiques de gouvernance et de gestion des risques concernant les risques climatiques. Nous examinerons surtout le rôle de surveillance du conseil d’administration, la mesure dans laquelle le climat est un facteur de planification des activités et des fonds propres, et la manière dont les processus de gestion des risques des institutions permettent de repérer, mesurer et gérer les risques climatiques.
Ces efforts s’appuient sur la saine gestion des risques que nous attendons déjà de nos institutions, aident à placer la barre plus haut pour les améliorations futures et peaufinent les outils (méthodes, données, analyses comparatives, etc.) qui nous permettront de suivre l’évolution du secteur.
Conclusion
Plus les données seront cohérentes, normalisées et accessibles, mieux les gens seront outillés pour prendre de meilleures décisions.
S’il est vrai que, sous forme d’obligation redditionnelle, la divulgation de renseignements concernant les risques climatiques favorisera la prise de décisions éclairées, nous savons aussi qu’aucune divulgation ne saurait remplacer une saine gestion des risques. C’est pourquoi nous visons par ailleurs à cerner l’exposition aux risques financiers de base, à comprendre si ces risques sont bien gérés et à déterminer ce qu’il faut faire de plus.
En tant qu’autorité de contrôle prudentiel, le BSIF doit forger ses interventions en tenant compte de l’éventail complet des risques et des contre-mesures. Nous pourrions revoir nos consignes sur la gestion des risques, ajuster les exigences de fonds propres, ou mieux cibler ou accentuer notre encadrement.
Toutefois, afin de prendre des décisions crédibles sur tous ces plans, nous avons besoin de plus de données probantes pour mesurer adéquatement les risques. C’est pourquoi nous mettons l’accent sur l’analyse de scénarios.
Notre objectif demeure d’accroître la résilience des secteurs d’activités que nous encadrons afin de protéger, d’une part, les déposants et souscripteurs des institutions financières et, d’autre part, les participants des régimes de retraite. Pour l’atteindre, notre meilleure stratégie consiste à nous renseigner sur les faits et à comprendre les enjeux. Je suis donc ravi de participer à la table ronde d’aujourd’hui.