Le surintendant Routledge participe à un entretien informel à l’Institut C.D. Howe
Discours - Toronto -
Animateur :
Quelles sont les grandes priorités du BSIF pour la prochaine année et sur quoi vous concentrez-vous pour la deuxième moitié de votre mandat?
Surintendant – Peter Routledge :
- Le BSIF demeurera déterminé à assurer la résilience du système financier canadien et à s’adapter aux nouveaux défis tout en continuant de mettre l’accent sur des politiques prudentes et efficaces. Nous avons renforcé la résilience financière du système et nous agirons lorsque cela sera nécessaire.
- L’économie du Canada changera dans les années à venir en raison de l’évolution du contexte géopolitique. Nous avons révisé nos cadres réglementaires pour répondre à l’environnement de risque actuel (par exemple nos lignes directrices relatives au cyberrisque, au risque lié aux tiers, aux risques climatiques, à Bâle III et à l’IFRS 17).
- Au cours des trois prochaines années, je m’attends à voir la concrétisation des changements constructifs que nous avons effectués au BSIF ces dernières années. Nous avons d’abord procédé à une réorganisation interne afin de pouvoir mener à bien d’importantes initiatives stratégiques telles que la numérisation, le régime d’assurance, le cadre stratégique et l’allègement du fardeau réglementaire.
- Ma vision à long terme pour notre nouveau mandat en matière d’intégrité et de sécurité est d’ouvrir la voie à la création d’un environnement d’information sûr pour notre secteur de la sécurité nationale et le BSIF dans son ensemble.
Animateur :
Pouvez-vous nous en dire plus sur les risques qui pèsent sur l’intégrité et la sécurité du système financier canadien? Comment les tensions géopolitiques influent-elles sur les institutions surveillées par le BSIF?
Surintendant – Peter Routledge :
- La réalité géopolitique, y compris la possibilité d’un protectionnisme commercial prolongé, pourrait nuire aux secteurs et exacerber les vulnérabilités des institutions que le BSIF surveille.
- En 2024, le BSIF a publié la ligne directrice Intégrité et sécurité afin de communiquer aux institutions ses attentes relatives aux politiques et aux procédures à cet égard. La ligne directrice a pour but de rendre les institutions et le système financier au Canada plus résilients face à ces menaces. Nous surveillons quotidiennement des aspects clés en matière d’intégrité et de sécurité. Nous avons fait beaucoup de progrès, mais nous devons encore continuer à travailler sur ce plan.
- L’incertitude géopolitique peut augmenter le risque de menaces pour une institution, comme les cyberattaques, l’ingérence étrangère ou le recyclage des produits de la criminalité. Le BSIF a mis en place des lignes directrices pour améliorer la capacité des institutions financières à réduire les répercussions de ces risques.
- Dans un monde d’incertitude, nous veillons à ce que le système financier canadien soit résilient. Bien que l’évolution de notre environnement de risque soit constante, le BSIF est bien outillé pour gérer et adapter de manière proactive ses cadres réglementaires afin de protéger le système financier tout en favorisant l’innovation.
Animateur :
Pouvez-vous nous dire quels sont, selon vous, les risques qui pèsent actuellement sur le marché de l’habitation et ce que le BSIF fait ou envisage de faire?
Surintendant – Peter Routledge :
- Les incidents de paiement sur prêts hypothécaires, bien qu’ils soient à la hausse, restent inférieurs aux prévisions. La plupart des Canadiens s’acquittent de leurs prêts hypothécaires.
- 2025 et 2026 seront des années difficiles. En septembre 2025, 56 % ou 3,3 millions de prêts hypothécaires devaient être renouvelés avant la fin de 2026. Environ 61 % (ou 2 millions) d’entre eux n’ont pas encore vu leurs versements augmenter.
- Il est probable que le marché de l’habitation subisse des vents contraires au cours des prochaines années, si l’économie ralentit en raison des tensions commerciales. Mais nous sommes convaincus que le système absorbera ces vents contraires sans nuire d’autant plus au système financier canadien.
- Nous surveillons l’évolution des prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes, car ils pourraient être soumis à des augmentations importantes de paiement au moment du renouvellement. Cela dit, la baisse des taux d’intérêt a atténué la gravité de ce problème.
- Nous devons tenir à l’œil la concentration des risques sur le marché des prêts garantis par un bien immobilier. C’est pourquoi nous avons introduit les nouvelles limites associées au ratio prêt-revenu pour chaque prêteur que nous surveillons. Nous nous attendons à ce que ces limites réduisent le risque global lié au crédit hypothécaire résidentiel chez les prêteurs de compétence fédérale. Les limites deviennent contraignantes à de faibles taux d’intérêt ou lorsque les institutions financières choisissent d’augmenter les coefficients d’amortissement de la dette qu’elles accepteront lors de la souscription.
- Nous avons développé l’outil des limites associées au ratio prêt-revenu après avoir étudié la décision de la Banque d’Angleterre de le mettre en œuvre en 2014 et, à la suite de l’expérience de la pandémie, de mettre hors service sa simulation de crise des taux d’intérêt hypothécaires en août 2022 en raison de l’efficacité de sa limite associée au ratio prêt-revenu.
- Bien que la limite associée au ratio prêt-revenu et le taux admissible minimal visent tous les deux à réduire les risques liés aux prêts hypothécaires, la limite associée au ratio prêt-revenu s’applique au niveau du portefeuille de l’institution, et non aux emprunteurs individuels. À ce titre, à mon avis, la limite associée au ratio prêt-revenu est bien harmonisée avec le mandat du BSIF, qui est de surveiller les institutions financières, et non les Canadiens.
- Si le ratio prêt-revenu s’avère être un outil microprudentiel efficace, le BSIF examinera les répercussions du taux admissible minimal sur les prêts hypothécaires non assurés, une mesure appliquée aux prêteurs canadiens transaction par transaction. Le taux admissible minimal a été un outil utile pour protéger les consommateurs contre les conséquences involontaires de l’augmentation substantielle des coûts du service de la dette, et nous ne perdrons pas de vue cette caractéristique.
Animateur :
La panique boursière au début d’avril a entraîné une augmentation des ventes de bons du Trésor américain, suivie d’une hausse des taux d’intérêt. Quels risques cette réaction inhabituelle aux tensions du marché pose-t-elle?
Surintendant – Peter Routledge :
- Dans son Rapport sur la stabilité financière publié récemment, la Banque du Canada a décrit très clairement les problèmes sous-jacents à la récente volatilité du marché des bons du Trésor américain. Selon la Banque du Canada, « la hausse surprenante des rendements en avril pourrait s’expliquer en partie par un dénouement de positions spéculatives à effet de levier engagées en prévision d’une augmentation des écarts de swap américains après quelques années de baisse. »
- La question plus générale est celle de l’émergence des intermédiaires financiers non bancaires (IFNB) sur les marchés financiers. Ces acteurs utilisent l’effet de levier pour s’interposer sur les marchés, par exemple le marché des bons du Trésor américain. Lorsque la pression à la vente augmente fortement en période de tensions sur les marchés, elle exerce une pression sur les intermédiaires qui utilisent un degré élevé de levier financier, ce qui peut entraîner des asymétries de liquidité pour les IFNB qui comptent sur les bons du Trésor pour respecter leurs obligations à court terme.
- Le dysfonctionnement du marché peut amplifier les tensions au lieu de les atténuer. Au lieu de servir de stabilisateur, la vente de bons du Trésor peut intensifier la volatilité. Cela peut aggraver les tensions financières au sein des institutions et dans l’ensemble du système.
- Les modèles actuels de gestion du risque peuvent sous-estimer le risque de liquidité. Les scénarios de crise intégrés à de nombreux cadres de gestion du risque de liquidité supposent que les bons du Trésor peuvent être vendus rapidement et à des prix prévisibles. Les événements récents suggèrent que, dans des conditions extrêmes, ces hypothèses pourraient ne plus tenir et que les institutions pourraient devoir repenser et recalibrer leurs modèles. Ce qu’il faut retenir, c’est que les bons du Trésor américain comportent un risque de marché qui doit être géré de près.
- Au BSIF, nous surveillons de près cette dynamique. Nous continuons de mettre l’accent sur de solides pratiques de gestion du risque de liquidité dans l’ensemble des institutions et nous nous efforçons de veiller à ce que le cadre réglementaire anticipe et s’adapte aux changements de comportement des marchés.
- Nous travaillons également avec des partenaires internationaux pour comprendre ce risque et apprendre à le mesurer. Si nous apprenons à le mesurer, nous apprenons à le surveiller. Ensuite, il faut un effort coordonné entre les organismes de réglementation internationaux pour mettre en place des approches normalisées en matière de réglementation bancaire dans toutes les administrations, ce qui permet aux banques et aux investisseurs de comprendre plus facilement la mesure et le prix du risque.
- Je renvoie les gens à un document récent du Conseil de stabilité financière sur la préparation à la liquidité pour les appels de marge et de sûreté (en anglais seulement). Ce document décrit les principales pratiques que les IFNB (et leurs fournisseurs d’effet de levier, les banques) peuvent employer pour réduire les risques de marché susmentionnés.
Animateur :
Un environnement économique plus hostile pourrait rendre plus difficile la coordination réglementaire transfrontalière. Que pense le BSIF de l’orientation de la coordination future des nouvelles règles et des nouveaux cadres, mais aussi des complications que ce manque de coordination engendre en période de tensions?
Surintendant – Peter Routledge :
- Au cours des 15 dernières années, nous avons observé une plus grande coordination. Nous avons des approches normalisées en matière de réglementation bancaire dans toutes les administrations. Une fois de plus, cela permet aux banques et aux investisseurs de comprendre plus facilement la mesure et le prix du risque. L’interopérabilité en termes de mesure et de gestion du risque est un atout primordial pour le système financier interne, comme nous l’avons vu au printemps 2023.
- Le BSIF continue de participer activement à des forums internationaux comme le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (CBCB), le Conseil de stabilité financière (CSF) et l’Association internationale des contrôleurs d’assurance (AICA).
- Bien que l’environnement géopolitique ait changé, l’engagement de nos pairs envers la coopération et le dialogue internationaux demeure fort. En période de tensions, il est essentiel d’avoir des canaux de communication déjà établis. Même un alignement partiel aide à réduire la fragmentation pendant les crises. Au cours de cette année, mon expérience avec les dirigeants des banques centrales et les surveillants d’autres pays est demeurée très fructueuse.
- L’harmonisation de la réglementation entre les différentes administrations n’est pas parfaite, et elle l’a d’ailleurs rarement été par le passé, mais les normes internationales ont comme effet d’instaurer un certain nombre d’éléments communs entre les pays. La collaboration avec des organismes de normalisation internationaux présente de nombreux avantages dans le contexte de l’élaboration d’exigences réglementaires applicables aux institutions financières. Par exemple, l’harmonisation avec des normes internationales favorise la conformité des institutions financières qui exercent des activités au‑delà des frontières nationales.