Le surintendant Routledge participe à un entretien informel à l’occasion du Sommet financier 2025 de la Banque Scotia

Discours - Toronto -

Animateur :

Quelles sont les grandes priorités du BSIF au regard des banques et des sociétés d’assurance vie au cours des trois à cinq prochaines années? Y a-t-il des projets qui présentent un plus haut degré d’urgence à court terme?

Surintendant – Peter Routledge :

  • À l’échelle mondiale, l’environnement géopolitique connaît une période de changements assez importants. Par contre, le système financier canadien est aujourd’hui plus résilient que jamais. Ces 15 dernières années, l’action du BSIF a permis de renforcer durablement la résilience du système financier canadien. Le secteur financier canadien est très bien outillé pour faire face à l’incertitude de l’environnement géopolitique en général. Je pense que le système financier du Canada sera un atout, alors que le pays s’adapte à ce nouvel environnement.
  • Au cours des trois à cinq prochaines années, le BSIF mettra l’accent sur l’amélioration continue de son approche de surveillance, en tirant parti des données et des technologies ainsi qu’en renforçant la responsabilisation des conseils d’administration et de la haute direction des institutions financières. Nous poursuivrons nos efforts pour contrer les risques liés à l’intégrité et à la sécurité, ce qui inclut le blanchiment d’argent, la fraude, les cyberattaques ainsi que le recours accru à des tiers fournisseurs de services, et nous veillerons aussi à ce que les normes de fonds propres et de liquidité demeurent robustes.
  • Il y a un mois à peine, j’ai réitéré l’engagement du BSIF à rendre la réglementation plus efficiente, ce qui peut consister à suspendre ou à modifier certaines exigences si cela est à propos, comme dans le cas du plancher des actifs pondérés en fonction du risque de Bâle III, ou encore à rationaliser les attentes à la lumière du projet fédéral de réduction du fardeau administratif, et ce, sans pour autant affaiblir les mesures de protection.
  • Le BSIF a comme règle de peaufiner constamment ses lignes directrices et ses préavis en matière de réglementation, et il cherche des moyens possibles d’éliminer tout fardeau inutile. En parallèle, nous allons continuer d’améliorer nos interventions en réponse aux risques, de clarifier nos attentes sur le plan de la réglementation, et de hausser l’efficience globale de notre surveillance.

Animateur :

Comment évalueriez-vous l’environnement macroéconomique actuel, compte tenu des risques associés aux droits de douane, et quel est selon vous l’état de préparation de vos entités réglementées pour composer avec les conséquences possibles de cette situation (dans le contexte d’une économie moins vigoureuse)?

Surintendant – Peter Routledge :

  • L’Accord Canada–États-Unis–Mexique, qui est l’accord commercial entre les trois nations de l’Amérique du Nord, est respecté dans chaque pays. Sans être exempts de droits de douane, les échanges commerciaux se poursuivent. Toutefois, les niveaux tarifaires en Amérique du Nord, surtout au Canada et aux États-Unis, sont dans l’ensemble plus bas qu’ailleurs, ce qui est un résultat positif.
  • Quant à l’état de préparation des institutions, il faut considérer ceci : le système financier canadien est plus résilient que jamais. Les banques et les sociétés d’assurance vie du Canada comptent au départ sur de solides réserves de fonds propres et de liquidités; ensuite, la gouvernance du risque est devenue plus robuste depuis la crise financière mondiale, et elle a été encore renforcée durant la pandémie. Un système financier solide et stable est l’une des pierres angulaires de la vigueur économique du Canada.
  • L’économie a fait preuve de résilience. Les bénéfices sont à la hausse, et les pertes de crédit sont plutôt gérables. Six banques d’importance systémique ont un ratio moyen pondéré de leurs fonds propres CET1 de 13,7 %. Le plancher que nous avons établi pour eux est de 11,5 %, ce qui correspond à un coussin de fonds propres de 220 points de base, ou 60 milliards de dollars de fonds propres de plus que notre niveau minimum. Nous constatons une résilience similaire dans le domaine de l’assurance. Je suis donc optimiste pour ce qui est de la capacité du système financier à favoriser la transition du pays.
  • Nous faisons preuve d’une vigilance de tous les instants grâce à une surveillance active, combinée à des outils d’intervention précoce. Notre approche permet aux institutions de s’adapter si les conditions se dégradent, sans pour autant cesser de soutenir la disponibilité du crédit et la résilience financière.

Animateur :

Auriez-vous de nouvelles observations à propos du marché immobilier canadien? Ce sujet est toujours d’actualité, car il s’agit là d’un segment très important de l’économie canadienne.

Surintendant – Peter Routledge :

  • En 2012, le BSIF a mis en place des principes de souscription de prêts hypothécaires résidentiels, qui ont été mis à jour à quelques reprises. Mais, ils ne sont que des principes administratifs pour favoriser de saines pratiques de souscription de prêts garantis par un bien immobilier, la ligne directrice B-20.
  • Nous approchons des niveaux les plus bas de tous les temps en termes de défauts de paiement sur prêts hypothécaires et de pertes de crédit évaluées par rapport aux prêts.
  • Le BSIF a contribué à la transformation de la souscription de prêts immobiliers résidentiels, de sorte que la couverture du revenu est très bonne pour les versements hypothécaires. Ici aussi, le marché de l’habitation démontre une solide résilience. S’il venait à connaître un ralentissement plus marqué, le système dispose de fonds propres suffisants pour compenser et absorber une partie du choc et rendre la situation gérable pour les ménages et les institutions financières.

Animateur :

Y a-t-il des sources d’inquiétude (par exemple la surconstruction de logements en copropriétés, le degré de participation des investisseurs dans ce segment du marché, l’impact économique que pourrait avoir un ralentissement prolongé)?

Surintendant – Peter Routledge :

  • Nous abordons le risque lié à l’immobilier commercial depuis plusieurs années déjà dans notre Regard annuel sur le risque.
  • Le logement demeure l’un des principaux points vulnérables de l’économie canadienne. Compte tenu de l’endettement élevé des ménages et de la concentration des activités sur certains marchés – par exemple les activités de construction de logements en copropriété induites par les investisseurs –, un ralentissement éventuel pourrait se répercuter sur l’ensemble du système financier. Nous relevons des zones de tensions dans certains segments et certaines régions, ce qui inclut par exemple le marché de la préconstruction de logements en copropriété dans la région du Grand Toronto et la région de Vancouver.
  • La capitalisation dans le système bancaire permet de surmonter les défis du marché des logements en copropriété. Nous sommes passablement convaincus que le système est suffisamment résilient par rapport à ce à quoi nous faisons face.
  • Il est bon de se doter d’un plus important inventaire pour les Canadiens plus jeunes qui souhaitent entrer dans le marché de l’immobilier.

Animateur :

Parlons maintenant de la réserve pour stabilité intérieure, la RSI. J’ai toujours apprécié cette décision commerciale prise par les banques. En réalité, si la RSI devait baisser, et disons, aux fins de la discussion, qu’on la ramenait à 2 %, et que le minimum des CET1 était désormais de 10,0, ne seriez-vous pas inquiet si une banque fonctionnait à 10,4, sachant qu’à tout moment, la volatilité et le risque pouvaient revenir sur le marché et la prendre au dépourvu, et que soudainement, elle devait entrer sur le marché dans un environnement peut-être moins favorable et augmenter ses fonds propres simplement pour revenir au-dessus du minimum? Est-ce que vous considéreriez cela comme un risque?

Surintendant – Peter Routledge :

  • La réserve n’a pas comme objet de transmettre un signal; elle sert plutôt à s’assurer que l’on dispose des fonds propres requis lorsque les risques se matérialisent. Elle a été conçue à titre de mesure de protection. Elle oblige les banques à détenir des fonds propres supplémentaires pendant les périodes de vulnérabilité élevée, afin qu’elles puissent continuer à consentir des prêts et à absorber des pertes lorsque les conditions se détériorent.
  • La réserve est censée être une réserve de résilience, une forme d’assurance contre des scénarios extrêmement pessimistes. Voilà comment nous sommes arrivés à 3,5 %: il s’agit du niveau d’assurance dont nous avons besoin.
  • Les banques maintiennent généralement des ratios de fonds propres de catégorie 1 sous forme d’actions ordinaires (CET1) supérieurs aux cibles de surveillance. Elles se fondent sur leurs processus de planification des fonds propres pour fixer leurs niveaux internes de fonds propres et leurs réserves au‑dessus des cibles de surveillance.
  • Si une institution passait en deçà de 8 %, dans notre document sur les Normes de fonds propres, elle trouverait des mesures automatiques de conservation des fonds propres qu’elle devrait obligatoirement suivre.
  • Les ajustements apportés à la RSI, que ce soit à la hausse ou à la baisse, visent à maintenir la résilience, et également à permettre aux banques de continuer de remplir leur rôle afin d’appuyer les ménages et les entreprises, et ce, peu importe les conditions économiques qui prévalent.

Animateur :

Évidemment, l’objectif de dépenses qu’a défini l’OTAN et que le Canada souhaite atteindre, et historiquement, les banques qui hésitent un peu à effectuer des prêts dans ce domaine, les dépenses de défense.

Surintendant – Peter Routledge :

  • De 1990 à 2022, nous vivions dans un monde où ce niveau d’investissement pour la défense n’était pas nécessaire. La taxonomie des coefficients de pondération du risque et les différentes pondérations du risque pour différentes catégories d’actifs sont un facteur pris en compte par les banques lorsqu’elles prennent des décisions de prêt. À cet égard, il n’est pas déraisonnable de penser que les prêts dans le domaine de la défense, qui n’étaient peut-être pas une priorité pour les institutions dans le passé, pourraient être influencés par la conjoncture.
  • Nous vivons désormais dans un monde différent et le gouvernement a pris un engagement clair en faveur des dépenses de défense.
  • Le BSIF peut apporter une aide progressive et il demeure ouvert à l’égard de cette possibilité.