Ligne directrice sur les simulations de crise à l’intention des régimes de retraite assortis de dispositions à prestations déterminées

Information
Type de publication
Ligne directrice
Sujets
Gouvernance
Investissement de la caisse de retraite
Régimes
Régime de retraite à prestations déterminées
Année
2011
Table des matières

    Introduction

    La simulation de crise est l’un des principaux instruments dont dispose l’administrateur d’un régime de retraite (ci-après l’administrateur). Elle l’encourage à repérer et à examiner les événements indésirables qui pourraient avoir une incidence sur son régime et peut l’amener à prendre des décisions visant à désamorcer ces situations ou à en atténuer les conséquences. Elle peut également aider l’employeur à déterminer ce qu’il doit faire pour assurer la pérennité des prestations servies. Bref, la simulation de crise produit des résultats prospectifs qui aident l’administrateur à prendre des décisions éclairées.

    La définition du terme administrateur figure à l’article 7 de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension. Selon le type de régime de retraite considéré, il peut s’agir de l’employeur, du comité des pensions, d’un organe de gestion ou de tout autre organisme constitué pour gérer le régime.

    La présente ligne directrice énonce les attentes du BSIF concernant l’utilisation de la simulation de crise par l’administrateur. Bien qu’aucune loi n’impose aux employeurs la réalisation de pareilles simulations à l’égard de leurs régimes de retraite, celles-ci sont considérées comme étant un moyen efficace de déceler et de gérer les risques. Il n’est pas nécessaire de transmettre aux BSIF les résultats des simulations de crise. Lorsque celui-ci évalue le niveau de risque global d’un régime de retraite, les constats attestant du recours aux simulations de crise démontreront qu’il existe un contrôle effectif sur la gestion de l’actif.

    I. Définition de simulation de crise

    La simulation de crise consiste à simuler différents chocs et scénarios susceptibles d’influer sur la politique de financement, la politique de placement et le niveau des prestations du régime. Elle peut aussi permettre de déceler des risques pouvant compromettre la capacité générale de l’employeur à financer le régime.

    Les techniques qui sous-tendent la simulation de crise sont variées mais, en règle générale, elles comportent des analyses de sensibilité et des scénarios, ainsi que des simulations de crise inversées.

    L’analyse de sensibilité

    consiste à faire varier un ou quelques facteur(s) de risque. En faisant varier un certain facteur de risque et en maintenant les autres constants, il est plus facile d’apprécier son incidence sur le régime. Par exemple, lors de la préparation d’un rapport actuariel, l’administrateur peut demander à l’actuaire du régime de déterminer l’impact d’une variation du taux d’actualisation sur le passif du régime, ce qui lui permettra d’en bien saisir l’incidence sur la situation financière du régime et sur les besoins de provisionnement. Les analyses de sensibilité sont généralement effectuées sur une période relativement courte et produisent des résultats en peu de temps, ce qui est utile lorsqu’il faut procéder à de fréquentes analyses.

    Le scénario

    est une situation hypothétique pouvant aller jusqu’au pire. On fait varier plusieurs facteurs de risque à la fois en réponse à un événement bien défini. Il pourrait, par exemple, s’agir de chocs hypothétiques fondés sur des événements récents. Les paramètres peuvent inclure un large éventail de facteurs économiques ainsi que des hypothèses relatives au provisionnement et à la politique de placement. Ils peuvent aussi inclure le profil des risques liés à la non-concordance de l’actif et du passif, y compris une gamme d’hypothèses fondées sur l’évolution démographique ou sur des modifications du régime, ainsi que l’impact de divers taux de cotisation. Le scénario exige plus de temps et d’analyse que l’analyse de sensibilité, et, en règle générale, il s’échelonne sur une période qui est appropriée en regard des risques étudiés.

    La simulation de crise inversée

    commence par l’identification des types de pertes pouvant entraîner l’insolvabilité du régime et cherche ensuite à déterminer les types de scénarios qui produiront ces pertes. Ainsi, la simulation de crise inversée force l’administrateur à prendre en compte les risques susceptibles de compromettre la santé financière de son régime. Ce type de simulation peut mettre au jour des risques cachés et l’interdépendance de certains risques qui, autrement, ne seraient pas connus.

    II. Risques auxquels sont exposés les régimes de retraite

    L’administrateur est la personne la mieux située pour déceler les risques auxquels son régime est exposé. Bien que tous les régimes aient des particularités qui leur sont propres, le financement compte assurément parmi les facteurs de risque les plus communs.

    De façon générale, les exigences en matière de capitalisation s’entendent des versements à effectuer pour couvrir le coût des services courants associés au régime et tous les paiements spéciaux exigés pour régler une dette non provisionnée sur une base de permanence ou combler un déficit de solvabilité. Exprimé en pourcentage de la masse salariale ou en coût horaire, le coût des services courants tend à être stable. La dette non provisionnée sur une base de permanence et le déficit de solvabilité sont d’ailleurs les principales sources de préoccupations à ce chapitre.

    Dans le contexte des évaluations sur une base de permanence, l’actuaire du régime formule des hypothèses en se fondant sur son jugement professionnel, les normes de pratique et les exigences réglementaires. Les obligations non provisionnées sur une base de permanence peuvent être provisionnées sur une période de 15 ans.

    Les fonds requis pour assurer la solvabilité sont difficiles à prévoir. Les hypothèses sont, dans une large mesure, prévues par les normes de pratique actuarielles et les exigences réglementaires. Le taux d’actualisation est l’une des hypothèses les plus importantes en l’occurrence, et, vu qu’il peut varier d’un mois sur l’autre, le niveau de provisionnement qui en résulte peut être très instable si l’actif et le passif ne sont pas bien appariés.

    La simulation de crise devrait donc porter tantôt sur les évaluations de solvabilité, tantôt sur les évaluations sur une base de permanence. L’administrateur préférera s’attacher aux fonds requis pour assurer la solvabilité lorsque ce facteur est le plus susceptible d’avoir une incidence sur les exigences en matière de financement, vu que celles-ci sont plus difficiles à prévoir. Par exemple, un scénario mesurant l’impact de variations des taux d’intérêt ou d’une perte sur l’actif pourrait aider l’administrateur à prévoir les besoins en matière de financement.

    III. Avantages de la simulation de crise

    En règle générale, la simulation de crise permet à l’administrateur de prendre clairement conscience des différents risques avec lesquels son régime pourrait devoir composer. Elle averti à l’avance l’employeur des risques qui peuvent survenir.

    En voici les principaux avantages :

    • elle permet d’apprécier les éventuels effets négatifs de diverses stratégies de placement;
    • elle indique l’impact de divers scénarios, y compris ceux susceptibles d’accroître les besoins de provisionnement de l’employeur à un niveau pouvant même compromettre la viabilité du régime;
    • elle permet de déceler les risques qui ne découlent pas des pratiques et des stratégies courantes;
    • elle aide à quantifier les risques des régimes;
    • elle renseigne sur les effets de la variation d’un facteur de risque;
    • elle aide à prendre des décisions;
    • elle contribue à atténuer les effets négatifs sur le régime qui, autrement, ne seraient pas prévus.

    Pour pouvoir profiter pleinement des avantages de la simulation de crise, l’administrateur doit tenir compte des risques qui présentent de l’importance pour le régime ou le promoteur lorsqu’il choisit des scénarios. Après avoir analysé les résultats, l’administrateur peut évaluer des stratégies possibles d’atténuation des risques qu’encourt le régime.

    Le BSIF est conscient que tous les régimes de retraite n’auront pas recours aux simulations de crise dans la même mesure; que cela sera fonction de la taille du régime et de la nature des risques qui lui sont liés.

    Il s’attend à ce que la plupart des régimes de retraite effectuent des simulations de crise sous une forme ou une autre. Il appartient à l’administrateur de déterminer le type de simulation qui convient à son régime.

    Les tests de sensibilité qu’imposent désormais les normes de pratique de l’ICA offrent une bonne initiation à la démarche aux administrateurs de régimes qui n’ont jamais été l’objet de simulations de crise, notamment les régimes de petite taille.

    IV. Facteurs de risque aidant à déterminer l’importance d’effectuer des simulations de crise

    En règle générale, la vulnérabilité d’un régime à des événements futurs indésirables, de même que l’importance de procéder à des simulations de crise, augmente en fonction des facteurs suivants :

    • L’importance du déficit du régime.

    • La question de savoir s’il s’agit d’un régime à cotisations négociées : Ces régimes sont particulièrement vulnérables aux événements futurs indésirables, car les cotisations des employeurs sont fixées dans la convention collective et sont fonction de la composition des effectifs du régime, du nombre d’heures ou d’autres facteurs liés à la productivité du secteur dans lequel exerce l’employeur participant.

      Par exemple, un régime à cotisations négociées qui offre des subventions à la retraite anticipée serait particulièrement vulnérable à un ralentissement des affaires, lequel pourrait entraîner un plus grand nombre de retraites anticipées (et, par conséquent, un coût accru pour le régime) qu’il était prévu dans l’évaluation ainsi qu’une réduction des cotisations. Ensemble, ces deux conséquences ne feraient qu’empirer la situation financière du régime. La simulation de crise pourrait comporter des projections visant à vérifier si les besoins de provisionnement seront comblés selon divers scénarios.

    • L’exposition des placements du régime aux risques suivants :

      1. Risque de marché : Risque que la valeur d’un placement diminue du fait de la variation de facteurs de marché tels que le cours des actions, le taux d’intérêt ou le taux de change.

        Dans le contexte des régimes à prestations déterminées, l’exposition au risque de marché tient compte des effets possibles sur l’actif et le passif du régime. Par exemple, le niveau de provisionnement d’un régime dont l’actif est investi dans une large mesure dans les actions est généralement plus sensible aux variations des taux d’intérêt qu’un régime dont le portefeuille de placements comporte une proportion élevée d’instruments à revenu fixe et qui est structuré de manière à correspondre étroitement au passif du régime.

      2. Risque de liquidité : Risque que des actifs du régime ne puissent être rapidement vendus ou échangés sur les marchés (par exemple, pour répondre à des demandes de paiement plus élevées que prévu) sans subir de pertes importantes.

      3. Risque de crédit (ou de défaut) : Risque que le régime enregistre une perte du fait qu’un emprunteur (par exemple, une société dont les obligations ont été achetées par le régime) manque à ses obligations de paiement.

    • Maturité du régime : Au fur et à mesure que le régime arrive à maturité, c’est-à-dire que le passif des retraités augmente par rapport au passif des participants actifs, l’ampleur du déficit – et le coût de son financement – augmentent en proportion de la masse salariale, de sorte que le promoteur a encore plus de difficulté à financer le régime.

    • Taille du régime par rapport à celle de l’employeur : On s’attend à ce l’administrateur d’un régime dont la taille est relativement importante procède à des simulations de crise relativement poussées, vu que le coût du régime a tendance à avoir une incidence considérable sur les opérations de l’employeur.

    • Complexité des dispositions du régime :

      L’existence de subventions généreuses à la retraite anticipée, de clauses d’indexation ou d’autres dispositions avantageuses rend le régime plus vulnérable qu’autrement à une grande variété de risques, ce qui peut nécessiter un apport de fonds additionnels.

      Cela vaut particulièrement pour un régime dont les prestations dépendent du consentement de l’administrateur, si l’évaluation ne tient pas compte de la pratique administrative du régime.

    • Modification anticipée du régime qui augmente les prestations : De telles modifications peuvent créer un déficit ou l’accroître, faisant ainsi augmenter les fonds requis.

    • Utilisation de méthodes ou d’hypothèses imprudentes sur une base de permanence : Pareilles pratiques viennent réduire pour l’instant les besoins de financement, mais entraîneront probablement, à terme, une augmentation des fonds requis.

    • Taille du régime : En règle générale, les régimes de petite taille sont plus vulnérables aux événements indésirables. Par exemple, les conséquences des écarts entre les résultats démographiques prévus et ceux observés peuvent être plus importantes pour ces régimes.

    • Vraisemblance d’un ralentissement des affaires : Nous l’avons vu, ce facteur est particulièrement problématique dans le cas des régimes à cotisations négociées et des régimes qui offrent de généreuses subventions à la retraite anticipée. Une forte hausse des retraites anticipées due à un ralentissement peut entraîner une augmentation des prestations de retraite par rapport à ce qui avait prévu et nécessiter l’apport de fonds additionnels.

    V. Facteurs de risque pouvant faire l’objet de simulations de crise

    L’administrateur qui décide d’effectuer des simulations de crise pourrait les faire porter sur les facteurs de risques suivants, de façon à prévoir ce qui pourrait se produire s’ils devaient varier. Il faut savoir que certains facteurs sont très instables, alors que d’autres évoluent progressivement, voire continuellement.

    Lorsqu’il fixe les paramètres des simulations, l’administrateur doit être sensible à l’interdépendance de certains facteurs de risque. À titre d’exemple, des taux d’inflation élevés peuvent présenter un problème particulier pour un régime dont les prestations sont indexées si de tels taux nuisent à l’activité sous-jacente du promoteur, car ils limiteront les ressources financières de ce dernier au moment même où des besoins en capitalisation supplémentaire risquent de se manifester.

    • Taux d’actualisation de solvabilité : Les variations de ce facteur clé et potentiellement instable peuvent avoir des effets considérables sur les besoins des régimes en matière de capitalisation.

    • Rendement des placements : Les rendements des placements peuvent être très instables. Il faut prendre en compte l’incidence de la volatilité des rendements sur l’actif du régime. Le taux de capitalisation d’un régime augmente ou diminue selon que le rendement réel est supérieur ou inférieur au taux d’actualisation sur une base de permanence ou de solvabilité.

    • Taux d’inflation : Il s’agit là d’un facteur clé dans le cas des régimes offrant des prestations indexées et de ceux dont les prestations sont fonction de la moyenne des derniers ou des meilleurs salaires.

    • Profil démographique : Les variations des proportions respectives du passif des participants actifs et du passif des retraités ont un impact sur les besoins en matière de capitalisation. Par exemple, un ralentissement des affaires pourrait entraîner une diminution du nombre de participants actifs, ce qui ferait en sorte que le coût lié aux mauvais résultats du régime augmenterait en pourcentage de la masse salariale de l’employeur. Il faudra aussi prendre en compte la possibilité que de nouveaux participants se joignent au régime.

    • Retraites anticipées : Nous l’avons vu, un régime qui offre de généreuses subventions à la retraite anticipée peut être affecté par une forte hausse imprévue des retraites anticipées. Ce problème peut être exacerbé dans le cas des régimes dont certaines prestations dépendent d’un consentement, si la pratique administrative a consisté à accorder systématiquement le consentement. En ce cas, le scénario pourrait aider l’administrateur à déterminer s’il doit donner ou non son consentement au versement des prestations.

    • Longévité : Les hausses futures de l’espérance de vie peuvent être supérieures à ce que l’on avait prévu dans l’évaluation du régime.

    • Invalidité : Un régime qui offre des rentes d’invalidité à même la caisse peut être négativement touché par une forte hausse inattendue des cas d’invalidité.

    • Frais d’administration et de gestion de l’actif : Les frais réels pourraient être supérieurs à ceux prévus dans l’évaluation.

    • Taux de travail : En ce qui concerne les régimes à cotisations négociées, la capacité de financer un manque à gagner pourrait être compromise lorsque les cotisations sont fixées d’avance et que les taux de travail diminuent ou qu’un important employeur participant quitte le régime.

    VI. Rôle de l’administrateur

    L’administrateur doit être en mesure :

    • d’évaluer le degré de tolérance au risque de l’employeur;
    • d’envisager et de choisir des scénarios pertinents en regard du régime;
    • d’interpréter les résultats des simulations de crise afin de pouvoir comprendre les risques liés au régime;
    • d’appliquer des stratégies d’atténuation du risque qui sont appropriées compte tenu de la situation du régime.

    Si la responsabilité du réexamen et de l’analyse de l’exercice de simulations de crise est confiée à un sous-comité ou à un consultant, il doit exister des preuves irréfutables de la communication de rapports afin de s’assurer que les recommandations ou les décisions prises ont été communiquées. Les procès-verbaux des réunions doivent venir appuyer les résultats des simulations ainsi que les décisions découlant des résultats. Ces résultats et décisions doivent être communiqués en fin de compte au conseil d’administration ou à l’organe de direction de l’employeur, selon le cas.

    VII. Moment et fréquence des simulations de crise

    Le BSIF est conscient que les régimes de retraite n’effectueront pas tous leurs simulations de crise au même moment et à la même fréquence, et qu’il appartient à l’administrateur de déterminer le type, le moment et la fréquence de ces simulations. Il s’attend cependant à ce que la plupart des régimes de retraite effectuent des simulations de crise sous une forme ou une autre.

    La conjoncture des marchés, l’économie, les ressources dont dispose le régime et les risques auxquels celui-ci fait face doivent être pris en compte pour déterminer la portée et la fréquence des simulations.